28 November 2011

Les pommes Kanzi devant les juges de Luxembourg: pomme de discorde ou d’amour entre droit intellectuel et clause contractuelle

Kanzi, c'est la pomme exotique de qualité à la mystérieuse et lointaine origine. Le consommateur la reconnaît à ses teintes exotiques, à ses lignes d'inspiration africaine et à son bel aspect international, si photogénique. Séduction et gâterie sont les thèmes clés du matériel de marketing et promotionnel. Croquer une Kanzi, c'est se laisser envoûter par sa saveur et s'offrir une gâterie. Ou c'est partager la délicieuse tentation avec un autre. Un fort pouvoir de suggestion émane des images de la campagne. Sensualité et modernité, accompagnées du slogan Apples from Kanzi.

Une intéressante affaire est soumise à la Cour de justice de l’UE par la Cour de cassation de Belgique. Où il est question d’épuisement du droit d’obtention végétale sur des pommes de la marque Kanzi (une pomme présentée comme exotique et mystérieuse, mais qui ressemble néanmoins à s’y méprendre à … une pomme: voir l’image jointe).
Quels sont les faits? Nicolaï NV est l’obtenteur d’une nouvelle variété de pommiers, à savoir le Nicoter. Cette variété produit des pommes qui sont commercialisées sous la marque Kanzi à travers un système équivalent à un réseau de distribution sélectif. Ce système impose des restrictions quant à la production de l’arbre ainsi que la production, la conservation, le tri et la commercialisation des fruits afin d’éviter une dilution de la qualité de la variété et de la marque. Better3fruit NV est à la fois le titulaire de la protection communautaire des obtentions végétales pour les arbres de la variété Nicoter (matériel de propagation) et le titulaire de la marque de pommes Kanzi.

Une convention de licence a été conclue entre Better3fruit et Kanzi, octroyant à Nicolaï un droit exclusif de commercialisation des pommiers de la variété Nicoter. Selon la licence, le licencié (Nicolaï) “ne cédera ou ne vendra aucun produit faisant l’objet de la licence en l’absence de la conclusion préalable par écrit, par le cocontractant concerné, de la convention de licence de culture … (pour les cocontractants cultivateurs) ou de la convention de licence de commercialisation … (pour les cocontractants négociants)”.

Cette licence a été résolue et la société Greenstar-Kanzi Europe NV (GKE) est devenue le licencié des droits d’exploitation conférés par la protection des obtentions végétales (en lieu et place de Nicolaï).

Alors que la licence avec Nicolaï était encore en vigueur, cette dernière a vendu des pommiers de la variété Nicoter à des tiers sans répercuter les obligations (prévues dans la licence) quant à la culture des pommes Kanzi et la vente des produits des récoltes. L’un de ces tiers, M. Hustin, fournit un négociant, Mr Goossens, qui vend les pommes sous la marque Kanzi.

GKE décide alors d’agir en contrefaçon de ses droits d’obtention végétale et de marque à l’encontre de Mr Hustin et Mr. Goossens. L’affaire se retrouve devant la Cour de cassation de Belgique qui pose deux questions préjudicielles à la CJUE qui touchent au rapport entre le droit de propriété intellectuelle et le droit des contrats. La première question (la seule qui nous intéresse ici) vise à savoir si la protection communautaire des obtentions végétales permet au titulaire ou au licencié du droit d’intenter une action en contrefaçon contre toute personne qui accomplit des actes portant sur le matériel vendu ou cédé à cette personne par le licencié “lorsque les limitations stipulées dans la convention de licence conclue entre le licencié et le titulaire de la protection communautaire des obtentions végétales n’ont pas été respectées dans le cadre de la vente de ce matériel”?

La résolution de cette question impose selon l’avocat général (conclusions du 7 juillet 2011 dans cette affaire C-140/10) d’analyser la jurisprudence quant à l’épuisement en matière de marques, en particulier les arrêts Peak Holding (C-16/03) et Copad (C-59/08). Il vous est donc demandé d’étudier ces deux derniers arrêts afin d’en tirer les conclusions qui s’imposent quant à la question préjudicielle posée par la Cour de cassation. Au passage, vous devez indiquer s’il est probable que les conclusions de l’avocat général soient confirmées par la CJUE. Il est vrai que dans la plupart des cas, la Cour suit les conclusions de l’avocat général, mais, en l’espèce, les choses sont moins claires vu que l’avocat général (§46 et s.) marque son désaccord avec l’interprétation faite antérieurement par la Cour dans l’affaire Copad. Où il est question des rapports entre le droit intellectuel (la marque ou le droit d’obtention végétale) et les dispositions contractuelles. A vous de réfléchir. Bon travail!

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