14 March 2012

Le jeu vidéo : application distributive du droit d’auteur ou œuvre unitaire?

Depuis quelques années, le domaine du divertissement, qui recouvre aussi bien les dvd et les jeux vidéo que la musique, connait, en Belgique et ailleurs, une chute de son chiffre de vente. En effet, selon le site www.belgianentertainment.be, les ventes dans ce domaine ont connu une baisse de 4,2%. Il devient donc crucial de protéger celui-ci car, à terme, ce sont 1,2 millions d’emplois qui sont menacés dans le secteur européen du logiciel, du cinéma, de la musique et des séries télé si rien n’est fait d’ici 2015 (1)

Toutefois, dans le domaine du divertissement, un secteur semble moins touché que les autres, c’est celui du jeu vidéo, particulièrement sur console. Ce maintien des ventes pourrait s’expliquer par des raisons techniques liées à la difficulté de copier les jeux vendus sur console. Pourtant, le régime de protection qui s’y applique reste flou et  est largement déterminé au cas par cas par la jurisprudence. En effet, s’agit-il d’un logiciel ? D’une œuvre audiovisuelle ? D’une base de données ? D’une œuvre à part entière ? Ces questions restent floues bien que certaines aient été traitées par les cours et tribunaux qui refusent, par exemple, clairement la notion de base de données car elle ne constitue pas un élément essentiel du jeu vidéo

Ainsi, en France, la jurisprudence considérait en 2000 que le jeu vidéo était un logiciel et refusait de le qualifier d’œuvre audiovisuelle en 2003. Par la suite, ce type de divertissement a été considéré comme une œuvre multimédia, pour enfin aboutir, en 2009, à une qualification distributive du jeu vidéo[2]. Le droit d’auteur connait différentes formes d’œuvres qui sont toutes protégées selon un régime particulier (œuvre audiovisuelle, logiciel, etc.) et les cours et tribunaux ont pris le parti de protéger chacun des éléments composant le jeu vidéo par le régime qui lui serait applicable dans un autre contexte. Ainsi, le code source est protégé en tant que logiciel, les images en tant qu’œuvres audiovisuelles, etc. On dissocie donc chaque élément du jeu et on lui applique une protection spécifique

En Belgique, la jurisprudence a établi que le jeu vidéo était, au contraire, une œuvre audiovisuelle[3], en ce qui concerne les composants sons et images, mais également un logiciel eu égard au code source nécessaire au bon déroulement du jeu[4].

On le voit, la qualification du jeu vidéo n’est pas encore établie et certainement pas définie par le législateur. Faut-il donc appréhender le jeu vidéo comme une œuvre unitaire et la protéger comme telle ou faire une application distributive des différents droits protégeant les diverses composantes d’un jeu vidéo ? La question reste ouverte alors que la réponse du législateur se fait de plus en plus attendre dans un monde où le divertissement prend de plus en plus de place.

Cependant, bien que la qualification, et au-delà la protection, du jeu vidéo ne soit pas définie par le législateur, on remarque que c’est le seul secteur du divertissement qui a tendance à se maintenir en terme de vente. Comment expliquer qu’une œuvre qui n’est pas clairement protégée par le droit résiste aussi bien à la vague de numérisation que connait actuellement le monde entier ?

Post rédigé par Donovan Sheppard (étudiant, master en droit UCL)


[1]Http://www.belgianentertainment.be/index.php/fr/bea_nieuws_detail/chiffres_du_marche_du_jeu_video_de_la_musique_et_de_la_video_pour_2010/, 6 mars, 12h22.

[2] Voy. en France : Cass. crim., 21 juin 2000 ; Cass. 28 janvier 2003 ; Cour d’appel de Paris, 2 avril 2004 ; Cour d’appel de Paris, 20 septembre 2007 ; Cass.civ., 25 juin 2009.

[3] Bruxelles (9e ch.), 11 avril 1997.

[4] A. Strowel et E. Derclaye, Droit d’auteur et numérique : logiciel, bases de données, multimédia, Bruxelles, Bruylant, p. 366.

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