16 April 2011

Les blogueurs: les nouveaux esclaves sur l’Internet?

 

Esclaves se libérant. Patrick Malenfant, RÉCIT de l'univers social

 

Sous le titre “La révolte des blogueurs”, Le Monde du 15 avril 2011 consacre une page entière, sous la plume de Xavier Ternisien,  à un débat qui prend de l’ampleur sur le Web et dans les prétoires: les blogueurs en ont marre de travailler pour rien, et le font savoir!

Parfois, on claque la porte, comme Hughes Serraf qui quitte le site français bien connu d’informations en ligne Rue89. Motif: pour un travail qui serait équivalent à celui d’autres journalistes, il reçoit une “gratification nette de 200 euros par mois”. Les responsables du site s’expliquent: bloguer, c’est offrir des commentaires, ce n’est pas du travail journalistique; et puis, on vous offre une rétribution… en termes de notoriété!

Aux Etats-Unis, la réaction des blogueurs a pris la forme d’un méga-procès – rien de surprenant dans cette société du litige: plus de 9000 écrivains en ligne ont assigné le Huffington Post réclamant 105 millions de dollars à titre de dommages-intérêts. Le New York Times y consacre un article (ce 12 avril 2011). Jonathan Tasini, bien connu des juristes du droit d’auteur pour avoir mené un combat contre la presse traditionnelle gagné en 2001 devant la Cour Suprême des Etats-Unis, s’en prend aujourd’hui à Arianna Huffington, la fondatrice du site d’agrégation de blogs qui porte son nom, la traitant de propriétaire d’esclaves! Les blogueurs enrôlés par les sites d’agrégation et les planteurs de coton, même combat contre l’exploitation! Le prix pour lequel Mme Huffington vient de revendre son site à AOL: 315 millions de dollars, explique sans doute cette action musclée. Le litige serait sans mérite selon les responsables du Huffington Post: nous offrons une “plateforme” de visibilité au profit des bloggeurs, c’est tout bénéfice pour eux! Hypocrisie  des nouveaux distributeurs qui dévalorisent le contenu, tout en empochant l’énorme plus-value du service d’info-médiation? On a déjà vu cela…

En tout cas, le débat est lancé dans le public et devant les tribunaux. Il mérite que l’on y réfléchisse d’autant qu’il semble faire écho aux préoccupations qui, il y a plus de deux siècles, ont mené à la mise en place d’un nouveau mode de rémunération des travailleurs de l’esprit: le droit d’auteur. Au moment où ce droit semble difficile à faire respecter en ligne, les revendications qui lui ont donné naissance – on se fout de votre considération, on veut une rémunération! –  commencent à résonner dans l’immensité de l’espace du Web. Le blogueur Vogelsong (cité par Le Monde) développe quelques réflexions intéressantes sur l’économie de la gratitude qui règne en matière d’information en ligne: des contenus rémunérés par l’activité publicitaire du site sont “soutenus par du remplissage de blog, gracieux. Pas tout à fait, puisqu’aux dires même des responsables de sites, le blogueur est « payé » en espace, exposition. En considération. (…) Pendant que certains font commerce, d’autres pour des contenus équivalents sont rémunérés en accolades, visites et sourires.”

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