Comments for IPdigIT revient sur l’affaire ReDigi: adapter la technologie pour éviter l’interdit du droit

S. Balot
Question 1 : L'arrêt usedsoft a pour référence légale la Directive 2009/24 et précise en son point 56 que : " Ensuite, il y a lieu de rappeler que la directive 2009/24, qui concerne spécifiquement la protection juridique des programmes d’ordinateur, constitue une lex specialis par rapport à la directive 2001/29." Il n'y a dès lors selon moi, pas d'analogie à faire…
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Question 1 :

L’arrêt usedsoft a pour référence légale la Directive 2009/24 et précise en son point 56 que :

” Ensuite, il y a lieu de rappeler que la directive 2009/24, qui concerne spécifiquement la protection juridique des programmes d’ordinateur, constitue une lex specialis par rapport à la directive 2001/29.”

Il n’y a dès lors selon moi, pas d’analogie à faire avec les autres fichiers numériques, étant entendu que la notion de logiciels vise précisément “les programmes d’ordinateurs” (Dir. 1991) à savoir “(…) les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel ; … ce terme comprend également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur ».
Le terme logiciel vise donc un contenu particulier permettant à un ordinateur d’accomplir une tâche particulière. Les fichiers numériques comme les MP3 ne permettent pas en tant que tels les ordinateurs d’effectuer une tâche particulière.
Il n’y a donc pas d’amalgame à faire entre logiciel et fichier MP3. Si le législateur s’est attardé particulièrement à rédiger une loi relative aux logiciels précisément, c’est bien parce que ceux-ci nécessitent une protection supplémentaire au vu de leur complexité.

En revanche, les logiciels, en ce qu’ils font effectuer une tâche particulière à un ordinateur, pourraient être assimilés aux jeux vidéos et autres applications, qui ont la même fonction si ce n’est que cette dernière est plus ludique.

Je pense que ce que propose ReDigi n’est qu’un stratagème juridique pour poursuivre ses activités. Soit disant la copie qui est remise en vente d’occasion est la même que la copie acheté à l’origine, mais il est aisé à l’heure actuelle de copier n’importe quel type de fichier et cela est malheureusement difficile à vérifier.

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Anissa Belkhazri
Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? La question principale qui se pose dans l’affaire UsedSoft est la qualification du contrat, soit en contrat de vente, soit en licence. Dans le…
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Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

La question principale qui se pose dans l’affaire UsedSoft est la qualification du contrat, soit en contrat de vente, soit en licence. Dans le cas du contrat de vente, il y a la possibilité de transférer la pleine et entière propriété alors que dans le cas de la licence, il n’y a qu’un droit d’utilisation par le titulaire de la licence. Sans le cas d’espèce, la Cour a requalifié le contrat en contrat de vente. La Cour considère que la copie du programme d’ordinateur accompagnée de la licence forme un tout indivisible.

Dans l’Union européenne, la protection juridique des programmes d’ordinateur fait l’objet d’une législation spécifique, la CJUE fait remarquer qu’il s’agit d’une lex specialis. Malgré que la CJUE dans l’arrêt UsedSoft distingue les droits d’auteurs traditionnels et la protection juridique des programmes d’ordinateurs de la directive 2009/24, le raisonnement de la Cour peut être appliqué par analogie à des fichiers musicaux et à des ebooks. En effet, par analogie, le principe de l’épuisement peut donc s’appliquer au transfert de fichiers électroniques téléchargés sur internet indépendamment de savoir s’il s’agit de fichiers musicaux, ebooks ou programmes informatiques comme l’évoque l’arrêt Football Association Premier League.

De plus, la directive 2009/24 ne fait aucune distinction entre une copie matérielle et immatérielle d’un programme d’ordinateur, il semblerait que le législateur européen ait tenu compte du modèle économique relatif au téléchargement sur internet. En effet, d’un point de vue économique, le résultat étant le même que ce soit par la vente physique du support matériel ou par la vente par téléchargement en ligne, il y a eu dans ces deux cas une rémunération pour le travail accompli par l’auteur de l’oeuvre. Dans le § 61 de l’arrêt UsedSoft, la Cour considère que « d’un point de vue économique, la vente d’un programme d’ordinateur sur CD-ROM ou DVD et la vente d’un programme d’ordinateur par téléchargement au moyen d’internet sont similaires ». La Cour rajoute que « le mode de transmission en ligne est l’équivalent fonctionnel de la remise d’un support matériel ».

Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne?

Les apps et les jeux-vidéos sont des interfaces d’utilisateur graphique. L’interface utilisateur graphique est une interface d’interaction permettant une communication entre le programme d’ordinateur et l’utilisateur. Selon la Cour, « l’interface utilisateur graphique ne permet pas de reproduire ce programme d’ordinateur, mais constitue simplement un élément de ce programme au moyen duquel les utilisateurs exploitent les fonctionnalités dudit programme ».
Selon l’article 1, § 2 de la directive 2009/24 : « Les idées et principes qui sont à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur ».
Cependant, au § 46 de l’arrêt BeSoft, la Cour considère que « l’interface utilisateur graphique peut bénéficier, en tant qu’œuvre, de la protection par le droit d’auteur si elle est une création intellectuelle propre à son auteur ».
Depuis l’arrêt BeSoft du 22 décembre 2010, C-393/09, L’interface utilisateur graphique ne constitue pas une forme d’expression d’un programme d’ordinateur. L’enseignement de la jurisprudence UsedSoft ne pourrait pas s’appliquer aux apps et aux jeux-vidéos.

Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?

« A cloud-based mechanism that instantaneously transfers an “original” good from one owner to the next, without making a copy » ( http://www.digitaljournal.com/pr/1707208 ). A partir du moment où il n’y a pas de reproduction, le mécanisme semble être licite. Dans l’affaire Redigi, l’obstacle à l’application de la « first sale doctrine » est le chargement et le téléchargement dans le cloud ce qui supposait une reproduction du fichier. En effet, par ce nouveau processus transférant le fichier d’un ordinateur à un autre sans passer par une reproduction du fichier serait licite. Cependant, la revente en ligne du fichier ne pourra être licite que si le détenteur du fichier en est bien le propriétaire. Par conséquent, la copie donnée en licence ne pourra donc pas être légalement transférée. Le modèle économique de la musique online favorise le licensing afin de contourner la règle de la « first sale doctrine ».

Références :

B. Docquier, Les programmes d’ordinateur et le droit de l’Union, I.R.D.I., 2013, p. 142.

S. Dusollier et A. de Francquen, « Chroniques – Les droits intellectuels », J.D.E., 2013, pp. 59-71.

J. Cabay, L’épuisement en ligne du droit d’auteur – Pérégrinations le long des frontières américaines et européennes du droit de distribution, A.M., 2013, n° 5, p. 303.

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Frankie picron
Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Dans le cas de copie de livres (cas Google books qui passe des accords avec les bibliothèques américaines), les bibliothèques n’ont pas les droits…
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Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Dans le cas de copie de livres (cas Google books qui passe des accords avec les bibliothèques américaines), les bibliothèques n’ont pas les droits d’auteur sur les livres qu’elles ont dans leurs rayons. Le droit d’auteur reste entre les mains soit de l’auteur, soit de l’éditeur (si l’auteur a cédé ses droits). Donc on peut peut-être considérer que les bibliothèques ont contribué à une atteinte directe au droit d’auteur, réalisés par le scannage des livres en dehors des salles des bibliothèques. Et le domaine de la musique/audiovisuel (divertissement). La problématique est clairement différente. Ce sont davantage les internautes qui mettent eux-même les contenus en ligne même s’il arrive qu’il y ait Megaupload, piratebay qui interviennent (responsabilité des intermédiaires). Chaque domaine est tout de même différent. Il serait, à mon avis, dangereux de généraliser. Je préfére donc considérer donc l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis.

si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09).

Difficile à dire, il semble que les jeux-videos sont plus faciles à contrôler car un géant du gaming (Nintendo, Playstation) produisent eux même de jeux ou passent d’accord avec de développeurs de jeux ( polyphony digital, Sega, ubisoft, capcom, EA electronics) pour créer un jeu. Et ensuite, il les rend compatible avec les consoles. S’il y avait une fuite, on peut se tourner vers les développeurs. C’est plus un logiciel « personnalisé » qui rend moins compatible avec les autres consoles. De plus, il semble que certains géants de jeux videos avaient déjà, par le passé, contourné le problème de copie illégale de CD de jeux videos en mettant un procédé de lecture diffèrent du reste que seule la console puise lire et donc il est quasi-impossible de graver. Il ne serait pas étonnant que Playstation par exemple à rendu le téléchargement difficile par d’autres voies que celle qui est officielle ( Playstation store ). Concernant les apps, Apple par exemple a mis à disposition une plateforme ouverte. La problématique est donc differente du jeu video mais elle ressemble un peu plus aux logiciels car tout le monde peut développer une app, à l’instar des logiciels…

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Gilles de Harenne
Question 1 : Suite à la lecture de l'arrêt UsedSoft il y a lieu de considérer que la règle de l’épuisement applicable aux logiciels est également valable à l'égard d’autres fichiers numériques tels que des MP3 musicaux ou des ebooks. En effet, dans son arrêt, la CJUE interprète le droit d'épuisement décrit dans la directive 2009/04 relative à la protection…
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Question 1 : Suite à la lecture de l’arrêt UsedSoft il y a lieu de considérer que la règle de l’épuisement applicable aux logiciels est également valable à l’égard d’autres fichiers numériques tels que des MP3 musicaux ou des ebooks. En effet, dans son arrêt, la CJUE interprète le droit d’épuisement décrit dans la directive 2009/04 relative à la protection juridique des programmes d’ordinateur comme visant les copies matérielles mais aussi les copies immatérielles d’un programme d’ordinateur. Puisqu’il n’est donc pas nécessaire que la copie soit faite sur un support tangible, on peut supposer que des fichiers numériques tels que des ebooks, qui ne sont pas vendus sur un support matériel, soient également visés par la règle de l’épuisement. Comme l’indique le paragraphe 51 de l’arrêt Oracle c. Usedsoft, mais il est permis de l’étendre à d’autres fichiers numériques.

Question 2 : Aux vues de l’arrêt BeSoft, un programme d’ordinateur vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel”.

Cette notion, selon la ratio legis, « désigne un ensemble d’instructions ayant pour but de faire accomplir des fonctions par un système de traitement de l’information ». La Commission indique également que, « dans l’état actuel de la technique, le terme de programme désigne l’expression, dans toute forme, tout langage, toute notation ou tout code, d’un ensemble d’instructions ayant pour objet de permettre à un ordinateur d’accomplir une tâche ou une fonction particulière »

Vu la définition donnée dans cet arrêt, ainsi que la ratio legis, il est permis de considérer que le programme d’ordinateur regroupe aussi bien les logiciels que les jeux vidéos, et que dès lors l’arrêt Usedsoft peut leur être applicable.

Question 3 : il convient à cet égard de montrer la plus grande prudence. En effet, si ce nouveau système permet le « transfert de fichier basé sur un cloud qui transfère automatiquement un bien “original” d’un propriétaire vers un nouveau propriétaire, sans faire de copie intermédiaire », il est permis de s’interroger sur la possibilité du propriétaire de départ d’avoir fait des copies sur d’autres machines que celle par laquelle se fait le transfert au nouveau propriétaire.

Bien que sur le plan juridique pure cela ne semble à priori pas poser de problème, il convient également de s’interroger sur les conclusions des arrêts Capital Records v. ReDigi, qui fait une différence entre les biens matériels et immatériels concernant la règle américaine du « first sale » et Usedsoft, qui semble affirmer la théorie de l’épuisement aussi bien pour les supports matériels qu’immatériels, ne faisant pas de réelle distinction entre ceux-ci.

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Mitika Pirson  
La Cour de justice de l’Union européenne a, par son arrêt du 3 juillet 2012, étendu la règle de l’épuisement des droits aux téléchargements de licences de logiciel. La règle de l’épuisement étant d’application, le titulaire d’un droit d’auteur sur un logiciel ne peut plus interdire la revente d’un logiciel téléchargeable. Mais qu’en est-il de la revente de fichiers numériques…
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La Cour de justice de l’Union européenne a, par son arrêt du 3 juillet 2012, étendu la règle de l’épuisement des droits aux téléchargements de licences de logiciel. La règle de l’épuisement étant d’application, le titulaire d’un droit d’auteur sur un logiciel ne peut plus interdire la revente d’un logiciel téléchargeable. Mais qu’en est-il de la revente de fichiers numériques d’œuvres culturelles ?

D’après le tribunal régional allemand de Bielefeld, il semblerait que l’arrêt Usedsoft se limite aux logiciels et que la règle de l’épuisement de la directive InfoSoc ne s’étende donc pas à d’autres fichiers numériques tels que des ebooks ou des fichiers musicaux. Par conséquent, en principe, la revente sur internet de copies numérisées d’œuvres littéraires reste illégale.
(http://www.ajpark.com/media/178539/resale_of_digital_content_-_usedsoft_v_redigi_published_in_entertainment_law_review_issue_6__2013.pdf).

Quid des jeux-vidéos et des applications distribués en ligne ? Sont-ils inclus dans la notion de « logiciel » ? Un logiciel est un ensemble composé de plusieurs programmes ainsi que tout le nécessaire pour les rendre opérationnels, il détermine les tâches qu’un appareil informatique peut effectuer. Plus largement, selon la directive 91/250, le logiciel vise « le programme d’ordinateur dans toutes les formes d’expression de celui-ci ».
En outre, une certaine interactivité avec l’utilisateur du programme est nécessaire. En ce qui concerne les jeux vidéo, cette interactivité fait défaut, en tout cas dans le chef du téléspectateur qui regarde un joueur jouer à ce jeu derrière un écran. Cela permet seulement de voir l’interface graphique du jeu mais comme nous avons pu le voir à travers l’arrêt Besoft, l’interface graphique n’est pas à considérer comme un logiciel puisque « cette interface ne constitue pas une forme d’expression d’un programme d’ordinateur au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 ». Il faut en conclure que la jurisprudence Usedsoft ne peut s’étendre aux jeux vidéos.

Abordons le sort des applications en ligne (notamment des applications mobiles) : ces applications sont composées d’un logiciel et d’une interface graphique qui fait le lien entre l’utilisateur et la machine (http://www.murielle-cahen.com/publications/protection-application.asp). Le logiciel est ce qui permet de faire fonctionner l’application, il est lui-même composé d’un code source/code objet. C’est tout cet ensemble (à l’exclusion de l’interface utilisateur) qui est inclut dans la notion de logiciel et c’est cette partie seule qui pourrait se voir appliquer l’arrêt Usedsoft.
Cependant, les applications mobiles quant à elles sont liées à un compte utilisateur et, de ce fait, il n’est pas possible de les céder. Il semble donc difficile d’imaginer l’arrêt Usedsoft s’étendre à ce type de programme qui n’est pas prévu pour être revendu (http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2012/07/04/01007-20120704ARTFIG00454-la-revente-de-licences-logicielles-est-legale.php).

En ce qui concerne la troisième et dernière question, je pense que la décision du juge dans l’affaire Capital Records est légitime et fondée.
A priori, l’activité menée par Redigi semble respecter les conditions de l’épuisement des droits. En effet, le site vérifie que l’utilisateur ne conserve pas de copie sur son disque dur une fois que le fichier est transféré sur la plateforme. De ce fait, l’utilisateur initial perd la possession de son fichier musical qui est stocké provisoirement jusqu’à ce qu’un autre utilisateur l’achète. Cependant, juridiquement ces conditions sont impossibles à respecter. C’est ce qu’a estimé le juge dans l’affaire Capital Records en se basant sur les lois de la physique qui font que, par nature, il est techniquement inconcevable qu’un même fichier transite de la sorte sur internet. Le passage de la mémoire de l’ordinateur du revendeur au serveur de Redigi est une duplication (Patrick Sault, Pas d’application possible de la « first sale doctrine » aux fichiers musicaux achetés en ligne, http://droitdu.net/2013/05/redigi-first-sale-doctrine-revente-occasion-fichier- musique-en-ligne/).

La CJUE qualifie les licences en question ventes afin de justifier que les règles de l’épuisement du droit de distribution s’appliquent indifféremment aux logiciels inscrits sur un support matériel ou depuis une plateforme de téléchargement en ligne (http://juriscom.net/2012/10/faut-il-se-preparer-a-un-marche-aux-puces-du-numerique/).

Selon la Cour (et donc selon le droit européen), il y a vente si un droit d’usage est accordé pour une durée illimitée et moyennant le paiement d’un prix « correspondant à la valeur économique de la copie ». Une manière de contourner la théorie de l’épuisement serait donc d’envisager un système de location de logiciels avec un contrat de licence qui n’autoriserait qu’un téléchargement pour une durée déterminée/temporaire, ou des systèmes de protection fermés tels que l’Apple Store, ou encore la pratique du « cloud-gaming » (Tania Stamenkovic, Commentaire de l’arrêt UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp., Cour de justice de l’Union européenne, 3 juillet 2012 (Affaire C-128/11), http://m2bde.u-paris10.fr/node/2506 et http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2012/07/04/01007-20120704ARTFIG00454-la-revente-de-licences-logicielles-est-legale.php).

Autres sources consultées :

http://juriscom.net/2012/10/faut-il-se-preparer-a-un-marche-aux-puces-du-numerique/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel

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Justine Drèze
La question qui se pose est la suivante : la règle de l’épuisement du droit de distribution s’applique-t-elle à la vente de jeux vidéo en ligne ? La Cour de justice s’est prononcée à ce sujet dans un arrêt qui concernait des programmes d’ordinateurs : CJUE, 3 juillet 2012, C-128/11 (Oracle c. UsedSoft). Faits : Oracle distribue des programmes d’ordinateur (logiciels…
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La question qui se pose est la suivante : la règle de l’épuisement du droit de distribution s’applique-t-elle à la vente de jeux vidéo en ligne ?

La Cour de justice s’est prononcée à ce sujet dans un arrêt qui concernait des programmes d’ordinateurs : CJUE, 3 juillet 2012, C-128/11 (Oracle c. UsedSoft).

Faits : Oracle distribue des programmes d’ordinateur (logiciels de bases de données) principalement par téléchargement via internet. Le programme est téléchargé directement à partir du site d’Oracle par ses clients et un droit d’utilisation est octroyé par un contrat de licence. Ce contrat confère un « droit d’utilisation à durée indéterminée, non exclusif, non cessible et gratuit, réservé à un usage professionnel interne » (« Oracle c. UsedSoft », § 23).

UsedSoft commercialise les licences d’utilisation des programmes d’ordinateurs d’Oracle : il acquiert ces licences auprès des clients d’Oracle. Ce sont des licences d’occasion. Les clients de UsedSoft téléchargent le programme d’ordinateur directement à partir du site d’Oracle.

Oracle a introduit une action dans le but d’enjoindre UsedSoft à cesser ces pratiques.

La Cour de justice se prononce sur questions préjudicielles.

Premièrement, la Cour se prononce sur la question de savoir « si, et dans quelles conditions, le téléchargement au moyen d’Internet d’une copie d’un programme d’ordinateur, autorisé par le titulaire du droit d’auteur, peut donner lieu à un épuisement du droit de distribution de cette copie dans l’Union européenne, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24 » (« Oracle c. UsedSoft », § 35)

Tout d’abord, il convient de vérifier si le téléchargement d’une copie du programme d’ordinateur peut être qualifié de « première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur ». La Cour considère que la notion de vente est une notion autonome, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de l’Union et qui ne correspond pas nécessairement à la notion de vente au sens du droit civil des Etats membres. « La «vente» est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant » ((« Oracle c. UsedSoft », § 42). Le téléchargement d’une copie de programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation s’y rapportant sont des opérations qui doivent être examinées comme formant un tout indivisible. Le droit d’utilisation de cette copie a une durée illimitée, ce qui la rend utilisable par les clients d’Oracle de manière permanente, moyennant le paiement d’un prix qui constitue pour le titulaire du droit d’auteur une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de son œuvre. Il en résulte que les opérations de téléchargement d’une copie de programme d’ordinateur et de conclusion de contrat de licence d’utilisation s’y rapportant « impliquent le transfert du droit de propriété de la copie du programme d’ordinateur concerné » (§ 46).

La Cour considère donc que ces opérations constituent « une première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur ».

L’épuisement du droit de distribution tel que prévu à l’article 4, § 2 de la directive 2009/24 concerne tant les copies matérielles que les copies immatérielles, et dès lors, les copies de programmes d’ordinateurs qui ont été téléchargées au moyen d’internet lors de leur première vente.

« Le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée ». (Oracle c. UsedSoft)

Deuxièmement, selon l’article 5, § 1 de la directive 2009/24, n’est pas soumise à l’autorisation du titulaire, la reproduction du programme d’ordinateur lorsque cette reproduction est nécessaire pour permettre à l’ « acquéreur légitime » d’utiliser le programme conformément à sa destination.

La Cour dit que le deuxième acquéreur d’une copie d’un programme d’ordinateur pour laquelle le droit de distribution du titulaire du droit d’auteur a été épuisé doit être considéré comme un acquéreur légitime, comme les acquéreurs ultérieurs.

En effet ces acquéreurs peuvent se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution. Le téléchargement fait par le nouvel acquéreur sur son ordinateur de la copie qu’il a achetée doit être considéré comme une reproduction nécessaire du programme d’ordinateur qui doit permettre à cet acquéreur d’utiliser le programme conformément à sa destination (§80 et 81).

La Cour pose toutefois une limite : l’acquéreur initial d’une copie d’un programme d’ordinateur qui le revend doit rendre inutilisable la copie téléchargée sur son ordinateur au moment de la revente afin de ne pas violer le droit exclusif du titulaire du droit d’auteur à la reproduction de son programme d’ordinateur.

Pour répondre à la question de savoir si le fait de revendre des jeux vidéo de seconde main en ligne est compatible avec le cadre juridique européen, il faut déterminer si cet arrêt est applicable aux jeux vidéo. C’est le cas si les jeux vidéo sont considérés comme des programmes d’ordinateurs.

« Le terme programme d’ordinareur vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel » (Directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, septième considérant).

On peut considérer que les jeux électroniques sont des programmes d’ordinateur et que l’arrêt « Oracle c. UsedSoft » s’y applique. Il s’agit donc d’une pratique compatible avec le contexte juridique européen.

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Mélanie Joseph  
La première question qui se pose est de savoir si l’arrêt UsedSoft définit une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou si la règle de l’épuisement pourrait s’appliquer à d’autres fichiers numériques tels que les fichiers musicaux ou les ebooks. Pour répondre à cette question, il convient d’analyser les dispositions de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation…
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La première question qui se pose est de savoir si l’arrêt UsedSoft définit une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou si la règle de l’épuisement pourrait s’appliquer à d’autres fichiers numériques tels que les fichiers musicaux ou les ebooks.
Pour répondre à cette question, il convient d’analyser les dispositions de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. En effet, c’est sur son article 1er, paragraphe 2, a), que la Cour de justice de l’Union européenne s’est basée dans l’arrêt UsedSoft pour affirmer que la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur constitue une lex specialis qui applique la règle de l’épuisement aux programmes d’ordinateur. Pourrait-on retenir la même solution pour d’autres types de fichiers ? Il nous semble que non.
En effet, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive générale énonce qu’elle « laisse intacte et n’affecte en aucune façon les dispositions communautaires existantes » concernant notamment les programmes d’ordinateurs. Cette énumération vise ainsi à préserver des législations existantes dans un nombre limité de situations. Or, les autres types de fichiers numériques n’apparaissent pas dans cette liste et sont donc de toute évidence soumis à la directive générale. La règle de l’épuisement ne peut donc pas s’appliquer à des fichiers numériques tels que des MP3 ou des ebooks, conformément à l’article 3 de la directive 2001/29.
A la lumière de ces différents éléments, il convient alors de se demander si la jurisprudence UsedSoft applicable aux logiciels l’est également pour les jeux vidéos et les applications distribués en ligne. En effet, le même problème d’épuisement des droits que celui posé par l’arrêt UsedSoft peut se poser pour de tels jeux vidéos ou « apps » lorsque leur distribution se fait intégralement en ligne et non plus à l’aide d’un support.
Pour mesurer l’incidence de la jurisprudence UsedSoft, il faut avant tout déterminer si les apps et jeux vidéos constituent des « programmes d’ordinateur ». L’arrêt BeSoft définit cette notion comme « les programmes, sous quelle forme que ce soit, y compris ceux incorporés au matériel ».
En ce qui concerne les jeux vidéos, on peut raisonnablement penser qu’ils rentrent dans cette définition. Toutefois, dans un arrêt Nitendo c. PC Box du 23 janvier 2014 (affaire C‑355/12), la Cour relève une différence entre un logiciel « classique » et un jeu vidéo. En effet, elle commence par rappeler que « conformément à son article 1er, paragraphe 1, la protection offerte par la directive 2009/24 se limite aux programmes d’ordinateur » puis elle poursuit par ces termes : « Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les jeux vidéo, tels que ceux en cause au principal, constituent un matériel complexe comprenant non seulement un programme d’ordinateur, mais également des éléments graphiques et sonores qui, bien qu’encodés dans le langage informatique, ont une valeur créatrice propre qui ne saurait être réduite audit encodage ». Une incertitude demeure donc quant à savoir si les jeux vidéos, en tant qu’ils contiennent des éléments graphiques et sonores, peuvent être totalement assimilés à des programmes d’ordinateurs.
Quant aux applications mobiles, rien n’est sûr. Il semblerait qu’elles entrent également dans la définition de l’arrêt UsedSoft. Cependant, on peut émettre des réserves quant à l’application matérielle et effective de cette jurisprudence. En effet, les « apps » ne sont, à l’origine, pas techniquement conçues pour être transmises ou revendues, et ce d’autant qu’elles sont liées à un compte utilisateur. Cela étant, cette limite technique ne constitue toutefois pas un élément relevant pour déterminer la qualification juridique des applications mobiles.
De nombreuses questions demeurent donc quant à la commercialisation en ligne de fichiers d’occasion. Notons qu’Amazon a déjà refusé de transmettre le contenu d’un Kindle d’un homme décédé à ses héritiers, arguant que son contenu numérique était associé au compte ayant réalisé l’achat originel et ne pouvait donc être transféré d’aucune manière. Une telle position ne sera peut-être bientôt plus soutenable.
Enfin, concernant la nouvelle technologie de ReDigi, sans doute peut-on considérer qu’à la lumière des critères retenus dans l’arrêt Capital Records v. ReDigi, la transmission de contenus numériques sans réaliser de copie intermédiaire est pour l’instant licite. Toutefois, ce pied de nez aux détracteurs des services de revente numérique ne vivra probablement que le temps d’un nouveau litige devant les cours et tribunaux. Dans ce jeu d’attaques et d’esquives entre le droit et la technologie, on ne saurait aujourd’hui plus dire qui est le chat, qui la souris.

Sources :
http://www.numerama.com/magazine/22605-en-cas-de-deces-amazon-ne-veut-pas-transferer-les-livres-aux-heritiers.html
http://www.gamerlaw.co.uk/2012/the-legality-of-second-hand-software-sales-in-the-eu/

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Moreaux Pierre-Alexandre  
Première question : Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Réponse : L'entreprise UsedSoft permettait d'acheter des licences d'occasions afin d'utiliser des logiciels de la société Oracle. Oracle estima qu'il y avait…
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Première question : Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Réponse : L’entreprise UsedSoft permettait d’acheter des licences d’occasions afin d’utiliser des logiciels de la société Oracle. Oracle estima qu’il y avait une atteinte à son droit d’auteur et décida de porter l’affaire en justice. La CJUE dut intervenir afin de déterminer si la revente de ces fichiers était permise. Les juges répondirent par l’affirmative en raison du fait que la première vente entraînait la règle de l’épuisement

Cependant, la société Oracle soutenait, entre autres, qu’il n’y avait pas de vente car ces logiciels faisaient l’objet d’une licence d’usage. Or, le droit à l’usage est non-cessible et la règle de l’épuisement ne peut donc s’appliquer.

Mais les juges ont considéré que la licence d’un droit d’usage pouvait constituer une vente si cette licence était donnée pour une durée illimitée moyennant un prix correspondant à la valeur économique de la copie.

Pour en revenir à la question, j’estime que cet arrêt peut s’appliquer à tout type de fichiers numériques et pas seulement aux logiciels. On pourrait donc vendre en seconde main des ebooks ou des fichiers MP3.

En effet, les conditions de la vente telles qu’exprimées dans l’arrêt UsedSoft sont également réunies dans le transfert des autres types de fichiers numériques. Lorsque je télécharge un ebook, je vais avoir un droit d’usage illimité dessus et j’aurai payé un prix qui correspond à la valeur économique de celui-ci.

Ces téléchargements constituent donc bien une vente et il y aura donc épuisement. Je pourrai revendre ces fichiers numériques.

2ème question : Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09).

Réponse : Si l’on venait à en conclure que l’arrêt UsedSoft définissait une lex specialis applicable seulement aux logiciels, il faudra donc analyser si les jeux vidéos et les « apps » sont des logiciels ou pas.

La réponse à cette question a été apportée par l’arrêt BeSoft rendu par la CJUE. Dans cette affaire, la société BeSoft (une association pour la protection des logiciels) avait attaqué le Ministère de la Culture tchèque car celui-ci refusait de lui donner l’autorisation d’assurer la gestion collective des droits d’auteur associés aux programmes d’ordinateurs. L’une des questions posée à la CJUE était de savoir si les interfaces graphiques étaient des programmes d’ordinateurs et si ils pouvaient donc être protégés par le droit d’auteur des programmes d’ordinateurs de la directive 91/250.

Afin de répondre à cette question, la Cour dut tout d’abord définir ce qu’était un logiciel.

En se référant à la directive 91/250 et à l’accord ADPIC, elle jugea que le programme d’ordinateur était visé « dans toutes les formes d’expression de celui-ci, qui permettent de le reproduire dans différents langages informatiques, tels le code source et le code objet. »

Elle déclara que le programme d’ordinateur comprenait « également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur. »

Elle en conclut que le droit d’auteur des programmes d’ordinateurs s’appliquait aux « formes d’expression d’un programme d’ordinateur ainsi que les travaux préparatoires de conception susceptibles d’aboutir, respectivement, à la reproduction ou à la réalisation ultérieure d’un tel programme. »

En partant de là, on peut estimer que les jeux vidéos et « apps » sont bien des logiciels. Ceux-ci sont constitués de codes sources et objets qui permettent de reproduire le programme.

3ème question : Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?

Réponse : Pour rappel, la District Court de New-York avait jugé que le site ReDigi ne pouvait être considéré comme un site de revente de musique car une nouvelle reproduction du fichier musical était faite sur son serveur à partir de la copie du vendeur d’occasion. La règle du First Sale ne pouvait dès lors s’appliquer étant donné que le droit de reproduction ne bénéficie pas de cette règle de l’épuisement.

Mais avec cette nouvelle technologie, ReDigi arriverait apparemment à régler ce problème. En effet, grâce à ce nouveau procédé qu’il a créé, ReDigi est parvenu à ce que soit la même copie du vendeur d’occasion qui soit transférée à l’acheteur. Il n’y aurait donc plus de reproduction.

Le revente en ligne de fichiers audios serait donc licite.

Cependant, aux Etats-Unis comme en Europe, il faut également qu’une fois la transaction effectuée, le vendeur ne dispose plus de la copie. Celle-ci doit être détruite.

Au niveau européen, on peut retrouver ce principe dans l’arrêt UsedSoft où la Cour a déclaré qu’il ne pouvait y avoir d’épuisement si la copie initiale continuait d’exister. Or, il semble que la méthode employée par ReDigi ne soit pas encore clairement au point concernant cela. En effet, le vendeur d’occasion pourrait très bien avoir copié son fichier sur d’autres machines avant la vente.

Il y a donc encore un doute qui subsiste quant à la légalité de ce site de revente. Cette problématique est d’autant plus complexe qu’il est difficile de prouver qu’une la copie initiale a été détruite.

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Jérémy
- Question 1 : Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Premièrement, je dirai que l’arrêt UsedSoft concerne uniquement les logiciels car cet arrêt concerne la directive 2009/24 qui traite…
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– Question 1 : Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Premièrement, je dirai que l’arrêt UsedSoft concerne uniquement les logiciels car cet arrêt concerne la directive 2009/24 qui traite de la protection juridique des programmes d’ordinateur. On peut lire les considérants suivants :

« (7) Aux fins de la présente directive, les termes «programme d’ordinateur» visent les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel. Ces termes comprennent également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur ».

« (10) Un programme d’ordinateur est appelé à communiquer et à fonctionner avec d’autres éléments d’un système informatique et avec des utilisateurs; à cet effet, un lien logique et, le cas échéant, physique d’interconnexion et d’interaction est nécessaire dans le but de permettre le plein fonctionnement de tous les éléments du logiciel et du matériel avec d’autres logiciels et matériels ainsi qu’avec les utilisateurs. Les parties du programme qui assurent cette interconnexion et cette interaction entre les éléments des logiciels et des matériels sont communément appelées interfaces».

Les fichiers numériques tels que les MP3 musicaux n’ont pas la même « composition » (code source et byte-code) que les programmes d’ordinateurs et c’est pour cela je dirais que cet arrêt concerne uniquement les logiciels.

Néanmoins, on pourrait quand même appliquer cette règle à d’autres fichiers numériques si on considère qu’un contrat de vente est bouclé entre l’acheteur et le vendeur lorsque le premier télécharge la musique sur son ordinateur à partir du site internet après paiement de celle-ci (la licence est accordée suite au processus de vente). Il s’agit là d’une première vente et il y a donc épuisement du droit de distribution. Cela indique que le droit de propriété a été transféré.

Qu’en est-il du droit de revente de l’œuvre numérique ?

Une différence entre les logiciels et les autres œuvres numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks) concerne la licence d’utilisation. En effet, dans l’arrêt UsedSoft, le logiciel est fourni séparément de sa licence (qui peut être acquise ultérieurement). Lorsque la licence est acquise, le processus de vente est bouclé et la règle d’épuisement s’applique.

En ce qui concerne les fichiers numériques (tels que les MP3 musicaux), la licence est fournie dès l’achat de l’œuvre numérique. Ce n’ai pas dissociable.

Cette différence est selon moi importante si le programme d’ordinateur est revendu à une autre personne car d’une part, la licence d’un programme d’ordinateur permet de vérifier si la copie est légal ou pas et cela peut être contrôlé par le titulaire du droit d’auteur (par exemple grâce à des clés de produit). Ainsi, lors de la revente d’une licence, le fabriquant a les capacités techniques de s’assurer qu’une copie revendue n’est plus utilisée par le premier propriétaire.

Concernant les autres œuvres numériques, cela est beaucoup plus délicat car il n’y a pas de moyen de vérification permettant au titulaire du droit d’auteur de s’assurer que l’œuvre numérique revendue n’est plus utilisée par le premier propriétaire. Même si les DRM (Digital Rights Management) éventuellement associés aux œuvres numériques permettent d’assurer que l’œuvre a été obtenue légalement, cet outil ne permet pas de vérifier si la suppression a été effective ou pas en cas de revente de l’œuvre en question.

C’est donc pour ces raisons que je pense que l’arrêt UsedSoft n’est pas applicable aux autres fichiers numériques.

– Question 2 : Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09).

Deuxième, comme indiqué plus haut, la jurisprudence UsedSoft traite des programmes d’ordinateur. La notion de programme d’ordinateur est clairement définie dans la directive 91/250 de l’Union :

« considérant qu’un programme d’ordinateur est appelé à communiquer et à opérer avec d’autres éléments d’un système informatique et avec des utilisateurs; que, à cet effet, un lien logique et, le cas échéant, physique d’interconnexion et d’interaction est nécessaire dans le but de permettre le plein fonctionnement de tous les éléments du logiciel et du matériel avec d’autres logiciels et matériels ainsi qu’avec les utilisateurs; » (considérant 10)

« considérant que les parties du programme qui assurent cette interconnexion et cette interaction entre les éléments des logiciels et des matériels sont communément appelées « interfaces »; » (considérant 11)

Article premier de la directive 91/250 : « 2. La protection prévue par la présente directive s’applique à toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur. Les idées et principes qui sont à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur en vertu de la présente directive. »

Ainsi, les jeux-vidéos ainsi que les « apps » sont amenés à communiquer et à opérer avec d’autres éléments d’un système informatique ainsi qu’avec les utilisateurs grâce aux interfaces graphiques.

Ce sont en soi des applications ayant les mêmes bases que les logiciels « traditionnels », c’est-à-dire qu’ils sont créés grâce à un code-source utilisant un langage de programmation et ce code est ensuite compilé pour être exécuté sur la machine cible, peu importe si cette machine est un smartphone, une tablette, une console de jeu ou un ordinateur. Le processus de création du programme informatique est identique pour ces plateformes.

Donc oui, la jurisprudence vaut aussi pour les jeux-vidéos ou ‘apps’ distribués en ligne.

– Question 3 : Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?

Enfin, je ne pense pas que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis. En effet, il n’est pas possible de vérifier de manière certaine la fiabilité de leur nouvelle technologie concernant la suppression de l’œuvre musicale du premier propriétaire lorsqu’il la revend.

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Inès Umurungi  
Pour répondre à la première question, rappelons tout d’abord les faits marquants de l’affaire UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp. Oracle International Corporation est une entreprise américaine qui développe et commercialise des programmes d’ordinateur via son site internet par téléchargement. Elle est titulaire, au titre du droit d’auteur, des droits d’utilisation exclusifs de ces programmes. Dès lors, le client acquiert…
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Pour répondre à la première question, rappelons tout d’abord les faits marquants de l’affaire UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp. Oracle International Corporation est une entreprise américaine qui développe et commercialise des programmes d’ordinateur via son site internet par téléchargement. Elle est titulaire, au titre du droit d’auteur, des droits d’utilisation exclusifs de ces programmes. Dès lors, le client acquiert une licence d’utilisation qui lui permet d’une part, de télécharger le programme et d’autre part, de le stocker sur un serveur en y donnant accès à 25 utilisateurs à partir de leurs postes de travail. Selon le contrat de licence d’Oracle, le droit d’utilisation du logiciel est non cessible et réservé à un usage professionnel interne (CJUE, 3 juillet 2012, n° C-128/11, UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp., point 23, site Internet http://curia.europa.eu.). UsedSoft GmbH est, quant à elle, une société allemande qui commercialise des licences de programmes d’ordinateur d’occasion, c’est-à-dire qu’elle rachète des licences inutilisées ou partiellement utilisées (portant notamment sur des programmes « Oracle ») à des entreprises en phase de restructuration ou à des particuliers et elle les revend à des tiers. Elle avance l’argument selon lequel, la vente de licences inutilisées de logiciels et l’achat d’occasion de licences par des entreprises permettent précisément à ces dernières une meilleure gestion de leurs investissements. Ainsi, l’acquéreur de la licence peut télécharger le programme (à partir du site Internet d’Oracle), ou s’il est déjà en possession du programme, il se sert de la licence d’occasion pour permettre à des utilisateurs supplémentaires de reproduire le programme sur leurs postes de travail.

Le litige qui naît de cette affaire porte en partie sur l’interprétation de l’article 4 § 2 de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateurs. Selon cette directive, la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur donne lieu à l’épuisement du droit de distribution de cette copie. Or, comme le spécifie la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, le droit de communication au public, tout comme le droit de reproduction, ne s’épuisent pas après une première vente en ligne.

Dans l’arrêt susvisé de la Cour de justice, on considère les dispositions de la directive 2009/24/CE comme une lex specialis contrairement à celles de la directive 2001/29/CE qui vise toutes les œuvres susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. En effet, le droit de reproduction est mentionné dans l’arrêt Usedsoft, mais pas le droit de communication au public, ce qui démontre que le logiciel a un statut particulier. L’arrêt ne porte donc que sur le logiciel et non sur d’autres fichiers numériques, telles que des MP3 ou des ebooks.

A suivre l’arrêt de la Cour de Justice du 22 décembre 2010 dit BSA ou BeSoft (C-393/09), le logiciel vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel. Ce terme comprend également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur. De plus, un programme d’ordinateur est appelé à communiquer et à opérer avec d’autres éléments d’un système informatique et avec des utilisateurs. A cet effet, un lien logique et, le cas échéant, physique d’interconnexion et d’interaction est nécessaire dans le but de permettre le plein fonctionnement de tous les éléments du logiciel et du matériel avec d’autres logiciels et matériels ainsi qu’avec les utilisateurs. De ce fait, nous estimons que la jurisprudence Usedsoft est applicable aux applications en ligne et aux jeux vidéo qui répondent à ces différents éléments.

Toutefois, les jeux vidéo pourraient être protégés par différents droits en fonction de la nature des éléments qui les composent. C’est ainsi que selon une application distributive, un jeu vidéo serait protégé par le droit d’auteur pour les éléments musicaux, par le design pour les éléments graphiques et, enfin, par la protection des logiciels pour le logiciel utilisé. Néanmoins, il nous paraît plus opportun et pratique d’avoir une analyse unitaire du jeu vidéo étant donné que c’est le logiciel qui est à la base de ce jeu. En d’autres termes, la protection des logiciels s’appliquerait aux jeux vidéo et aux applications en ligne. Soulignons que si ce régime est plus avantageux pour les éditeurs de jeux vidéos et d’applications en ligne, il l’est moins pour les auteurs de ceux-ci.

Au niveau de la troisième et dernière question, l’article 4 § 2 de la directive 2009/24/CE prévoit que le droit de distribution d’un programme d’ordinateur n’est épuisé qu’à partir de la première vente d’un programme d’ordinateur par le titulaire du droit ou avec son consentement.

Dans une décision du 30 mars 2013, la District Court de New York a jugé que le service de revente numérique de ReDigi n’était pas comparable à un magasin de revente de disques vinyle ou de CD de seconde main puisqu’une nouvelle reproduction est faite sur le serveur de ReDigi à partir de la copie du vendeur d’occasion (c’est-à-dire à partir du fichier se trouvant sur son ordinateur). Ainsi, la règle américaine du « first sale » qui fait écho à la règle européenne de l’épuisement, est déclenchée par la première distribution de l’objet protégé, mais ne s’applique pas en cas de copie nouvelle car le droit de reproduction ne s’épuise pas, contrairement au droit de distribution. Dans l’affaire UsedSoft, datant de juillet 2012, la Cour de Justice de l’Union européenne avait précisé que la personne qui télécharge une copie d’un programme d’ordinateur (un contrat d’utilisation avec le titulaire du droit d’auteur est conclu et cette personne dispose d’un droit d’utilisation d’une durée illimitée contre le paiement d’une rémunération adéquate) est autorisée à revendre la copie du programme concerné. Cet arrêt allait donc à l’encontre de l’avis de l’avocat général qui, lui, invalidait la pratique de la revente des licences d’utilisation en ce qu’elle est susceptible d’altérer la substance même du droit d’auteur et qu’elle ne peut trouver de fondement dans la directive 2009/24/CE. L’avocat général soutenait également qu’il demeure un obstacle à cette revente à partir du moment où la règle de l’épuisement porte sur le droit de distribution et non sur le droit de reproduction. Il semble que la District Court de New York ait suivi le même raisonnement que celui proposé par l’avocat général.

Début 2014, ReDigi prétend contourner la difficulté du “non-épuisement du droit de reproduction” par le biais d’une nouvelle technologie brevetée qui serait un mécanisme de transfert de fichier basé sur le cloud qui transfère automatiquement un bien original d’un propriétaire vers un nouveau propriétaire sans faire de copie intermédiaire sur la plateforme de revente. En plus, ce système garantirait que la copie de départ, ainsi que les copies personnelles qui auraient été faites par le vendeur du fichier d’occasion, ont été retirées de son ordinateur.

Nous contestons ce point de vue. En effet, nous ne pensons pas que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permette de considérer comme licite, dans tous les cas, la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis car, avec l’avocat général dans l’affaire UsedSoft, nous estimons qu’en cas de revente d’une licence, le second acquéreur ne peut se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution de la copie initialement téléchargée, quand bien même le premier acquéreur aurait effacé la sienne ou ne l’utiliserait plus. Le mécanisme de transfert en question nous paraît donc difficilement soutenable sur un plan légal.

L’arrêt UsedSoft a mis en exergue un problème fondamental de la propriété intellectuelle, à savoir, la tension qui règne entre le droit et l’évolution des technologies. Si on s’en tenait à une interprétation littérale des termes employés par la Cour de Justice, on pourrait être tenté de conclure qu’en l’espèce l’utilisation d’une telle technologie rendrait l’activité de Redigi licite. Effectivement, il ne s’agirait plus d’une reproduction du produit mais une simple distribution du même produit. Dans ce sens, il faudrait déduire que la règle de l’épuisement qui porte sur le droit de distribution s’appliquera, empêchant dès lors le titulaire du droit d’interdire la revente des produits.

En conclusion, si on considère que la nouvelle technologie brevetée par ReDigi est licite on aboutirait, selon nous, à créer un espace de non-droit où on ferait uniquement prévaloir la libre-circualtion des biens, sans aucune restriction, au détriment entre autres du droit d’auteur…

Sources

http://www.murielle-cahen.com/publications/jeu-video.asp
http://m2bde.u-paris10.fr/node/2506

Vanessa Adjahi, Jessica Lemer, Julie Salieres et Inès Umurungi

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Alizee Stappers
1) Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Dans son arrêt Usedsoft, la CJUE fait référence à la directive 2009/24 qui est à considérer comme une lex specialis par rapport à…
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1) Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Dans son arrêt Usedsoft, la CJUE fait référence à la directive 2009/24 qui est à considérer comme une lex specialis par rapport à la directive 2001/29 : le mode de transmission en ligne est l’équivalent fonctionnel de la remise d’un support matériel (voy. Point 61 de l’arrêt.) Ainsi la CJUE va au-delà de la lettre de la théorie de l’épuisement du droit, celle-ci étant censée faciliter, en premier lieu, la commercialisation de biens matériels.

Elle ajoute également que limiter l’application du principe de l’épuisement du droit de distribution aux seules copies vendues sur un support matériel, permettrait au titulaire du droit d’auteur de contrôler la revente des copies téléchargées et de n’autoriser l’usage par un nouveau client qu’en contrepartie d’une nouvelle rémunération.

Dans cette perspective, il nous semble pertinent de se demander si cette même règle de l’épuisement n’est pas applicable à d’autres fichiers numériques tels que les MP3 musicaux ou des ebooks.

Au point 52 de l’arrêt, la Cour considère que, dans le cas d’espèce, « le titulaire du droit d’auteur transfère le droit de propriété de la copie du programme d’ordinateur à son client. Or, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 73 de ses conclusions, il ressort de l’article 6, paragraphe 1, du traité sur le droit d’auteur (…), que l’existence d’un transfert du droit de propriété transforme l’«acte de communication au public», prévu à l’article 3 de cette directive, en un acte de distribution visé à l’article 4 de ladite directive, lequel peut donner lieu (…) à l’épuisement du droit de distribution ».

Par analogie, il nous semble dès lors que la règle de l’épuisement pourrait jouer également pour les fichiers MP3 musicaux ou d’autres fichiers numériques vendus en ligne. Etant donné qu’il y a un transfert de propriété des fichiers (avec le paiement d’un prix en contrepartie), il y aurait lieu d’appliquer la règle d’épuisement du droit de distribution, selon nous.

2) Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09).

Citons plusieurs points de l’arrêt BeSoft : « Il en découle que le code source et le code objet d’un programme d’ordinateur sont des formes d’expression de celui-ci, qui méritent, par conséquent, la protection par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250.

Ainsi, l’objet de la protection de la directive 91/250 englobe les formes d’expression d’un programme d’ordinateur ainsi que les travaux préparatoires de conception susceptibles d’aboutir, respectivement, à la reproduction ou à la réalisation ultérieure d’un tel programme.
En particulier, l’interface utilisateur graphique est une interface d’interaction, qui permet une communication entre le programme d’ordinateur et l’utilisateur.

Il s’ensuit que cette interface ne constitue pas une forme d’expression d’un programme d’ordinateur au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 et que, par conséquent, elle ne peut bénéficier de la protection spécifique par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur en vertu de cette directive.

Par conséquent, l’interface utilisateur graphique peut bénéficier, en tant qu’œuvre, de la protection par le droit d’auteur si elle est une création intellectuelle propre à son auteur ».

Comme la Cour le mentionne dans les extraits, le code source et le code objet d’un logiciel peuvent être protégés. Nous pouvons donc présumer que les codes des jeux vidéo ainsi que des applications seraient également protégés, c’est-à-dire les éléments qui permettraient de recréer littéralement les jeux ou les applications. Cependant, les interfaces elles-mêmes des jeux et des applications ne seraient protégeables que sous le droit d’auteur et non comme logiciel. Dès lors, il sera nécessaire de distinguer ces deux composantes lors de la question de la protection (l’interface de l’application, la manière dont elle se présente n’est pas protégeable comme logiciel, il en va de même pour les jeux vidéos).

3) Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?

La Cour reprochait à ReDigi de reproduire une nouvelle copie (vendeur – ReDigi – acheteur) (The court explained that, “the fact that a file has moved from one material object [the user’s computer] to another [the ReDigi server] means that a reproduction has occurred.”).

Avec son nouveau système, ReDigi entend éviter l’étape de la copie intermédiaire et les reproches liés à la violation du droit de reproduction. Cependant, dans son arrêt, la Cour mentionne le fait que le fichier transféré disparaisse simultanément de l’ordinateur du vendeur n’exclut en rien la reproduction. Le risque reste que le vendeur ait effectué d’autres copies « privées » tout en ayant transféré de manière officielle les fichiers achetés en ligne. D’un autre point de vue, il peut aussi être considéré que le fichier acheté et transféré est une nouvelle copie, quand bien même le fichier disparaitrait de l’ordinateur du vendeur (comme la District Court le dit).

Il n’est donc pas sûr que le système de ReDigi permette de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis, il faudrait un contrôle accru du vendeur pour tenter de savoir si celui-ci n’a pas copié les fichiers. De plus, sans doute faudrait-il attendre une réponse de la CJUE quant au fait de savoir si le transfert en ligne d’un fichier vendu peut-être considéré comme une nouvelle copie/reproduction de celui-ci.

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Alessio Vicinzino
Pour répondre à cette première question il faut tenir compte du fait que, à l’époque où la directive 2001/29 a été adoptée, le marché des MP3 et des e-books n’était pas si développé comme il est aujourd’hui. La preuve, le considérant 28 de ladite directive dit que « La protection du droit d'auteur en application de la présente directive inclut…
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Pour répondre à cette première question il faut tenir compte du fait que, à l’époque où la directive 2001/29 a été adoptée, le marché des MP3 et des e-books n’était pas si développé comme il est aujourd’hui. La preuve, le considérant 28 de ladite directive dit que « La protection du droit d’auteur en application de la présente directive inclut le droit exclusif de contrôler la distribution d’une œuvre incorporée à un bien matériel ». La Cour de Justice dans l’affaire « UsedSoft » a été, à mon avis, clairvoyant: il me paraît inimaginable que, le jour où CD-ROMs, DVDs et d’autre support physiques disparaitront, ils sera possible de permettre aux détenteurs des droits d’auteur sur une œuvre de bénéficier d’un monopole sur les ventes successives à la première de leurs œuvres. Il est reconnu l’importance du marché secondaire pour les consommateurs et la diffusion des biens numériques ne devra pas porter atteinte à ce marché. Toutefois, des points restent ouverts à ce jour. S’il est vrai que livres et CDs se détériorent avec l’usage et le temps, ce n’est pas de même pour les biens numériques. De ce fait, il existe un risque de concurrence déloyale, et si on ajoute que, tant que sera possible d’effectuer facilement une copie d’un fichier pdf ou mp3, on comprend bien que ça sera le secteur culturel/artistique à subir un énorme préjudice économique. Je pense que la solution, une fois que des techniques adéquates quant à transfert sans copie de fichiers et protection du bien numérique auront été mis au point, doit être trouvé par les législateurs qui devront faire un balancement entre les intérêts en jeux, qui sera très délicat. A l’état actuel, je me sens de dire que l’application de l’arrêt « UsedSoft » au secteur des biens culturels numériques, bien qu’il soit très « avant-gardiste » pour ce secteur, il ne sera pas possible.

Quant à jeux-vidéos et applications, si l’on prend en considération le fait que, pour qu’ils puissent fonctionner, en outre que les éléments graphiques, audio et des donnés spécifiques à chaque produit, ils nécessitent d’un logiciel “stricto sensu”, qui « communiqu[e] et fonctionn[e] avec [les] autres éléments d’un système informatique et avec [l]es utilisateurs » (1), il est envisageable que la jurisprudence en discussion soit applicable à cette partie là. En effet, comme la Cour l’a dit dans l’affaire BSA, ce qui est susceptible d’être protégé par la directive 91/250/CEE (2), est « une forme d’expression d’un programme d’ordinateur» et que l’interface graphique, constituant un élément du programme, ou, pour le dire avec une interprétation doctrinale qui clarifie le raisonnement de la Cour, « un produit du programme (…) le résultat du programme (…) et non un élément du programme en elle même» (3), ne rentre pas sous la couverture de la directive, bien pouvant être protégé par la directive 2001/29 sur le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information.

Quant à la troisième question, et comme il est dit dans le billet, le type de technologie adopté par ReDigi semble pouvoir résoudre le problème du transfert du bien numérique sans qu’une copie ait été effectuée lors du transfert même, ce qui semble pouvoir affirmer la licéité de la revente. Après, si celui qui a acheté le bien numérique peut faire une copie sur un dispositif autre que les dispositifs qui sont ou qui seront connecté « to the application source device », pour lesquels l’invention semble pouvoir éliminer les fichiers qui ont été identifiés comme vendus, il demeure un problème quant à cette copie illicite. Probablement le fait que dans un futur très proche beaucoup d’objet seront connectés et synchronisés entre eux, pourra porter cette technologie à permettre un échange licite de fichiers numériques protégés par le droit d’auteur.

(1) Considérant n°10 de la directive 2009/24/CE.
(2) Qui a été codifié par la directive 2009/24/CE.
(3) E. Derclaye, « Notes d’observations – L’arrêt Softwarová : une revolution en droit d’auteur ou une « erreur de jugement ?», Revue du droit des technologies de l’information, n° 43/2011, p. 61.

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D'hondt Julie  
La règle de l’épuisement du droit de distribution permet qu’à la suite de la mise en circulation de manière licite d’un bien dans l’UE par le titulaire des droits, ce droit exclusif s’épuisera par son premier usage. L’art. 4 de la directive 2009/24/CE prévoit à son article 4 §2 que « La première vente d'une copie d'un programme d'ordinateur dans…
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La règle de l’épuisement du droit de distribution permet qu’à la suite de la mise en circulation de manière licite d’un bien dans l’UE par le titulaire des droits, ce droit exclusif s’épuisera par son premier usage. L’art. 4 de la directive 2009/24/CE prévoit à son article 4 §2 que « La première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement épuise le droit de distribution de cette copie dans la Communauté ». La CJUE a conclu dans l’arrêt Oracle c. Usedsoft que « le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’Internet, a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée ». En résumé, la vente d’une copie d’un programme d’ordinateur est autorisée, et ce même si elle se fait sur un support immatériel, et elle a pour conséquence l’épuisement du droit. Néanmoins, l’utilisateur initial doit rendre inutilisable la copie téléchargée au moment de la revente. En ce qui concerne les logiciels, la question est donc réglée mais pour les autres fichiers numériques, une réponse unanime n’a pas encore été apportée.

Quid des autres fichiers numériques tels que les fichiers musicaux et les e-books ? La principale question reste à déterminer si l’arrêt UsedSoft est à comprendre comme laissant la porte ouverte à la règle de l’épuisement du droit de distribution pour d’autres fichiers numériques. Cependant, fichiers musicaux et livres numériques d’une part et logiciels de l’autre sont différents.

Aux USA, la doctrine de l’épuisement du droit de distribution appelée la « first sale doctrine » ne se calque pas sur la décision retenue par le juge européen dans l’arrêt Usedsoft. Le juge américain considère que le fichier musical revendu par ReDigi constitue une copie portant atteinte au droit du titulaire. « Le téléchargement en ligne ne constituerait pas, au sens du droit américain, une vente, ce qui rend par conséquent illégal tout transfert ou revente de fichiers à des tiers ». La question semble dès lors tranchée aux USA. (http://www.cio-online.com/contributions/lire-les-juges-allemands-reaffirment-la-liceite-du-marche-des-logiciels-d-occasion-624-page-3.html)

Quielle est la situation en Europe ? L’achat de fichiers musicaux et e-books constitue-t-il une vente ou une licence d’utilisation ? Quand on achète un livre sur support matériel dans le commerce, on acquiert des droits qui nous permettent la revente, la location. Mais lorsqu’on veut revendre un livre électronique, le problème qui se pose est celui de la copie et de la qualification du contrat conclu avec l’acquéreur. Il en est de même pour les fichiers musicaux. Techniquement, il n’est pas possible de transférer ces fichiers sans qu’une copie soit effectuée et dès lors qu’une reproduction soit faite portant alors atteinte aux droits des titulaires.

L’affaire UsedSoft donne une interprétation de la directive 2009 relative aux logiciels et ne s’applique dès lors pas à d’autres contenus numériques. Il y a donc lieu de se référer à la directive 2001/29 relative au droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Cette dernière prévoit dans son considérant 29 que « Contrairement aux CD-ROM ou aux CD-I, pour lesquels la propriété intellectuelle est incorporée dans un support physique, à savoir une marchandise, tout service en ligne constitue en fait un acte devant être soumis à autorisation dès lors que le droit d’auteur ou le droit voisin en dispose ainsi ». A la lecture de ce considérant, la vente de fichiers musicaux ou d’e-books ne semble pas possible. Le tribunal allemand de Bielefeld s’est d’ailleurs prononcé sur la question de l’extension de l’arrêt UsedSoft avec pour conclusion que la revente n’est pas applicable à d’autres formes de contenu numérique. Cependant, cela ne va-t-il pas outre de l’objectif d’éviter des cloisonnements du marché ? Si on se base uniquement sur le raisonnement économique qu’a tenu la CJUE dans l’arrêt UsedSoft, une extension serait alors envisageable.

En ce qui concerne les jeux vidéos ou les « apps » distribués en ligne, la question est différente que celle concernant les fichiers musicaux et livres électroniques car les jeux vidéos et les « apps » se rapprochent sensiblement de la notion de logiciel. Cependant, elle est pourtant différente car un jeu vidéo est constitué de plusieurs composantes auxquelles différentes protections s’attachent. Lors de l’analyse de l’arrêt Besoft, il a été vu qu’un programme d’ordinateur nécessitait une interactivité avec ses utilisateurs afin d’en permettre le fonctionnement et que « le code source et le code objet d’un programme d’ordinateur sont des formes d’expression de celui-ci, qui méritent, par conséquent, la protection par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur ». Par contre en ce qui concerne l’interface graphique, elle ne constitue par une forme d’expression d’un programme d’ordinateur et ne sera dès lors pas protégée par la protection du droit d’auteur mais pourra l’être par la directive 2001/29 relative au droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information si elle « constitue une création intellectuelle propre à son auteur ». On distingue donc dans le jeu vidéo, la partie « logicielle », et la partie « création », le jeu vidéo est donc une œuvre plus complexe que le logiciel. Mais appliquer les règles de manières distributives et décomposer la partie logicielle du restant des composantes afin de pouvoir revendre un jeu semble difficile et peu d’intérêt pour les utilisateurs. Une réponse sans controverse possible est, me semble-t-il pour le moment difficile à donner, bien qu’en se basant sur le raisonnement économique comme le tient la Cour dans l’affaire UsedSoft, la même logique devrait être applicable. (http://legalip.wordpress.com/tag/droit/)

Quant à la nouvelle technologie proposée par ReDigi, on pourrait conclure à première vue que la technologie est licite. Elle permet le transfert de propriétaire à propriétaire. Dès lors, aucune reproduction n’est faite sur le serveur de ReDigi et ça ne porte pas atteinte aux droits du titulaire. La question qu’on pourrait se poser est si une telle technologie est physiquement possible. De plus, elle n’empêche pas les utilisateurs de réaliser des copies sur des supports externes. Par contre, si on considère que l’arrêt Usedsoft est inapplicable aux fichiers audio, même si ces fichiers ont été légalement « achetés » sur iTunes par exemple, il n’en reste pas moins que les utilisateurs ne sont pas devenus propriétaires car ils ont conclu un contrat de licence d’utilisation et non de vente. Dès lors la revente est interdite.

Si la question qui concerne la copie semble à priori réglée, le fait que les utilisateurs n’obtiennent qu’une licence transgresse tout de même la doctrine du « first sale ». (http://www.legavox.fr/blog/mr-labyod/vers-encadrement-legal-revente-fichiers-11529.pdf)

Sources également consultées :
– CABAY J., « L’épuisement en ligne du droit d’auteur – Pérégrinations le long des frontières américaines et européennes du droit de distribution », Auteurs & Médias,2013, pp. 303-319.
– DOCQUIR B., « Les programmes d’ordinateur et le droit de l’Union », I.R.D.I, 2013, pp. 142-154.

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Jean-Benoit Gérard
1) L’article 4 §2 de la directive 2009/24 concerne le droit d’épuisement des « programmes d’ordinateur ». L’article 5§1 et 2 de la même directive prévoit une exception à l’autorisation du titulaire du droit de licence sur le logiciel, exigée par l’article 4§1 pour la reproduction et la distribution du logiciel. La condition est la suivante : il faut être…
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1) L’article 4 §2 de la directive 2009/24 concerne le droit d’épuisement des « programmes d’ordinateur ».

L’article 5§1 et 2 de la même directive prévoit une exception à l’autorisation du titulaire du droit de licence sur le logiciel, exigée par l’article 4§1 pour la reproduction et la distribution du logiciel. La condition est la suivante : il faut être un acquéreur légitime, autrement dit, que ces actes de reproduction et distribution soient nécessaires pour un usage conforme à la destination du logiciel.

La lex specialis prévue, pour les logiciels, par la Cour dans l’arrêt UsedSoft est la suivante : le droit de distribution de la copie d’un logiciel est épuisé si le titulaire de la licence, qui a autorisé, même à titre gratuit, le téléchargement de cette copie en ligne, a également conféré, contre paiement d’un prix de rémunération correspondant à la valeur économique de la copie, un droit d’usage de la copie sans limitation de durée. Par ailleurs, en cas de revente de la licence du logiciel emportant la revente d’une copie du logiciel téléchargé en ligne sur le site du (nouveau) titulaire de la licence, le second acquéreur ultérieur de cette dernière ainsi que tout acquéreur ultérieur pourront être considérés comme acquéreurs légitimes et bénéficier du droit de reproduction tel que prévu à l’article 5.

Cette interprétation ne saurait, selon nous, être étendue à d’autres fichiers numériques tels de la musique mp3 ou des ebooks. La directive 2001/29 constitue, en matière de propriété intellectuelle, la lex generalis qui leur est applicable. Elle est d’application pour les ebooks et les fichiers MP3 et elle prévoit que ce type de fichiers doivent être assimilés à des communications au public protégées par un droit d’auteur (article 3§1 de la directive). C’est un régime très différent de la directive 2009/24 qui est une loi spéciale applicable aux seuls programmes d’ordinateurs et qui ne prévoit pas de droit de communication au public mais bien un droit aménagé de cession du logiciel. Par ailleurs, la Convention de Berne et le Traité OMPI prévoient un droit de mise à disposition du logiciel.

2) De prime abord, on peut sans doute considérer que les jeux vidéo et applications constituent des « programmes d’ordinateur » au sens de la jurisprudence UsedSoft qui est large : « programmes sous quelque forme que ce soit y compris incorporés sur un support matériel » (considérant 7). L’arrêt BeSoft de la CJUE venait préciser ce qu’il fallait entendre par la notion de « toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur ».

La Cour a considéré qu’une interface graphique ne peut être protégée par la directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 en ce qu’elle ne constituait pas un programme d’ordinateur au sens de l’article 1er de ladite directive. On peut sans doute considérer que la directive 2009/24 ne saurait s’appliquer, par analogie, dès lors qu’elle vise également les « programmes d’ordinateurs ». Toutefois, l’acceptation large du considérant 7 de cette dernière directive pourrait laisser croire que les jeux vidéo et applications sont également visés.
Quoiqu’il en soit, les jeux vidéo et applications, comme l’interface graphique visée par l’arrêt Be Soft peuvent bénéficier de la protection par le droit d’auteur en tant qu’œuvre, en vertu de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, si cette interface constitue une création intellectuelle propre à son auteur.

3) Le fait que la technologie ReDigi permet, a priori, la revente sans copie sur l’ordinateur du revendeur pourrait suffire selon nous à écarter la jurisprudence Capital Record dès lors que les autres copies éventuellement réalisées sur d’autres supports ne pourront l’être que par Redigi qui gère le serveur. Or, la règle du « first sale » est uniquement applicable aux acquéreurs de copies particulières de l’œuvre et non pas au serveur. La seule limite, selon nous, est la possibilité de reproduction par les acquéreurs de copies illicites qui rendraient la distribution illicite.

Par ailleurs, et plus fondamentalement, si l’on devait appliquer la directive européenne 2009/24 à la nouvelle technologie ReDigi, la société ne saurait s’extraire du régime en vigeur. L’article 4 exige en effet un accord du titulaire, sauf l’exception de l’article 5 (supra), indépendamment du fait qu’il en existe ou non une copie sur l’ordinateur du revendeur.

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Thiry Catherine , Goffinet Chloé , Lippens Tiffanie
Les faits de l’arrêt UsedSoft c. Oracle : L’affaire UsedSoft oppose la société Oracle qui met à la disposition de ces clients des copie de programmes via leur site internet et la société UsedSoft qui commercialise des licences d’occasion de programme d’ordinateurs, notamment des licences d’utilisation se rapportant aux programmes d’ordinateurs d’Oracle. L’article 4, §2 de la directive 2009/24 prévoit…
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Les faits de l’arrêt UsedSoft c. Oracle :

L’affaire UsedSoft oppose la société Oracle qui met à la disposition de ces clients des copie de programmes via leur site internet et la société UsedSoft qui commercialise des licences d’occasion de programme d’ordinateurs, notamment des licences d’utilisation se rapportant aux programmes d’ordinateurs d’Oracle.

L’article 4, §2 de la directive 2009/24 prévoit que « la première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement épuise le droit de distribution de cette copie dans la Communauté, à l’exception du droit de contrôler des locations ultérieures du programme d’ordinateur ou d’une copie de celui-ci ».
L’une des questions posées dans l’arrêt est de savoir si, en vertu de cet article, le téléchargement d’une copie d’un programme d’ordinateur au moyen d’internet autorisée par le titulaire du droit donne lieu à épuisement du droit de distribution de cette copie dans l’UE ? Si oui, dans quelles conditions ?

Selon la Cour de justice, l’article 4, §2 de la directive doit être interprété en ce sens que : « le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé, fut-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’internet a également conféré, moyennant paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de la dite copie, sans limitation de la durée ».

L’arrêt pourrait il être appliqué aux fichiers numériques ?

Nous considérons l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels.

Selon la CJUE (pt. 89) « il est interdit aux ayant droits d’empêcher la vente d’un programme téléchargé de façon légale et ce quand bien même le contrat de licence prévoirait le contraire ». Il est important de noter que cet arrêt ne concerne que les programmes informatiques. La question est donc de savoir si cet enseignement de la Cour est applicable par analogie aux fichiers musicaux et aux ebooks.

Nous sommes d’avis que les fichiers numériques tels que les fichiers musicaux et les ebooks ne sont pas des logiciels en ce que ce sont des fichiers de données qui sont traités par des logiciels (ex : Itunes). Il faut donc bien faire la différence entre les programmes et les données.

Les fichiers musicaux et les ebooks n’étant pas des logiciels, on ne peut par conséquent pas appliquer l’arrêt UsedSoft par analogie à ce type de fichiers.

Concernant les ebooks, la cour fédérale allemande de Bielefeld a d’ailleurs argumenté qu’il n’y a pas d’épuisement des droits d’auteur en numérique et qu’un fichier numérique ne nous appartient pas totalement. En revanche, il serait envisageable d’autoriser une revente de livre d’occasion numérique avec le consentement exprès de l’auteur.

Si on conclu que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut il pour les jeux vidéos et apps. distribués en ligne ?

Comme rappelé dans l’arrêt BeSoft, «le terme « programme d’ordinateur » vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel; … ce terme comprend également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur ». (cons. 7, directive 1991/250)

Par conséquent, il faut considérer qu’un jeu vidéo et les apps distribués en ligne sont des logiciels protégés par la lex specialis.

Peut on considérer que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?

Bien que le nouveau système garantirait que les copies personnelles faites par le vendeur aient été retirées de l’ordinateur, il est selon nous, impossible d’avoir une garantie que le propriétaire originaire n’ait pas effectué d’autres copies. Pour ce qui est des fichiers audio numériques par exemple, le propriétaire originaire pourrait le copier sur un CD sans même que ReDigi ne le détecte. Concernant les ebooks, ce dernier pourrait également convertir le fichier dans un autre format à l’insu de ReDigi.

En conclusion, l’utilisation de ReDigi serait, d’après nous, proscrite en Europe comme aux Etats-Unis. Cependant, nous déplorons cette conclusion étant donné que le système est différent pour les objets matériels. Par exemple, un CD acheté peut être revendu en seconde main, tout comme des livres sur des brocantes ou autres. Cela prouve que le système juridique est en retard par rapport à des nouveaux systèmes tels que ReDigi et ce retard est un frein au développement licite des technologies.

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Pelagia Komni  
L’arrêt UsedSoft sert de référence en Europe et ouvre la voie au marché dérivé, de seconde main. La jurisprudence est pourtant différente en Europe et aux Etats-Unis. En Europe, nous avons deux différentes législations concernant l’épuisement des droits : la directive sur le logiciel 91/250 qui est distincte de la directive générale qui définit les droits d’auteur (droits de distribution…
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L’arrêt UsedSoft sert de référence en Europe et ouvre la voie au marché dérivé, de seconde main.
La jurisprudence est pourtant différente en Europe et aux Etats-Unis. En Europe, nous avons deux différentes législations concernant l’épuisement des droits : la directive sur le logiciel 91/250 qui est distincte de la directive générale qui définit les droits d’auteur (droits de distribution pour tout autre produit).
Dans la directive 91/250, la notion du « programme d’ordinateur » reste très vague : « considérant que, aux fins de la présente directive, le terme « programme d’ordinateur » vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel; que ce terme comprend également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur; ». La directive 91/250 ne définit pas en outre la notion de «toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur».
Cette notion large peut alors inclure les jeux vidéo et les apps distribuées en ligne, et donc en principe la même règle d’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques, comme les fichiers musicaux ou les ebooks, à condition que ces fichiers numériques soient détruits au moment de la revente. Cette condition reste quand même assez douteuse du point de vue de la vérification et du risque de multiplication des copies illicites.
En Europe, on voit une distinction entre vente et licence, et c’est la vente qui provoque l’épuisement. Par contre, aux États-Unis, la notion de vente est requalifiée (peu importe si c’est une licence ou une vente), à condition que la durée d’usage est illimitée et payante. Il y a donc des droits de distribution, et par conséquent un épuisement.
ReDigi, en tant que première plateforme de seconde main dans l’univers musical digital, met en place une technologie brevetée qui assure qu’il n’y a pas de reproduction du contenu digital, ce qui constituait la raison pour laquelle elle avait été attaquée auparavant, étant donné que nous ne pouvons pas avoir le même objet matériel, et qu’une copie était faite à partir d’une copie initiale, même si l’original a été effacé. Il reste quand même à voir en pratique si cette technologie sera résistante aux différents types de piratage.

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Alain Strowel

Merci. Le passage suivant est discutable: “En Europe, on voit une distinction entre vente et licence, et c’est la vente qui provoque l’épuisement. Par contre, aux États-Unis, la notion de vente est requalifiée (peu importe si c’est une licence ou une vente), à condition que la durée d’usage est illimitée et payante. “.

Neisen Gladys  
En ce qui concerne la première question: II est important selon moi de rappeler les faits de l’arrêt Usedsoft v. Oracle : Il est question d’une entreprise américaine, Oracle international corporation qui développe et commercialise des programmes d’ordinateur (logiciels de banques de données), dans 85% des cas, par téléchargement sur son site internet. Au titre du droit d’auteur, elle est donc titulaire…
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En ce qui concerne la première question:

II est important selon moi de rappeler les faits de l’arrêt Usedsoft v. Oracle :
Il est question d’une entreprise américaine, Oracle international corporation qui développe et commercialise des programmes d’ordinateur (logiciels de banques de données), dans 85% des cas, par téléchargement sur son site internet. Au titre du droit d’auteur, elle est donc titulaire de droits d’utilisation exclusifs de ces programmes. Le fonctionnement est le suivant, le client acquiert une licence d’utilisation qui lui permet de télécharger une copie du programme du site internet d’Oracle sur son ordinateur et de la stocker de manière permanente sur un serveur et d’y donner accès à maximum 25 utilisateurs en la téléchargeant vers leurs postes de travail. Plus précisément, le contrat de licence d’Oracle mentionne entre autres que le droit d’utilisation du logiciel est non cessible et réservé à un usage professionnel interne.

De l’autre coté, une société allemande, Usedsoft qui commercialise des licences de programmes d’ordinateur d’occasion. En d’autres termes, celle-ci rachète des licences inutilisées ou partiellement utilisées (portant entre autres sur des programmes d’ordinateur d’Oracle) à des entreprises en phase de restructuration, ou à des particuliers, et elle les revend à des tiers. Ainsi l’acquéreur de la licence, peut télécharger le programme (à partir du site Internet d’Oracle), ou, s’il est déjà en possession du programme d’ordinateur d’Oracle, et qu’il désire acheter en complément des licences pour des utilisateurs supplémentaires, Usedsoft les amène à copier le programme d’ordinateur vers les stations de travail des utilisateurs en question.
Griefs : Oracle reproche à Usedsoft cette pratique commerciale. Selon Oracle, Usedsoft et ses clients empiètent sur ses droits exclusifs de reproduction et de distribution au sens de l’article 4 §1 de la directive 2009/24. « Il ressort en effet des contrats de licence d’Oracle que le droit d’utilisation des programmes est «non cessible». Par conséquent, les clients d’Oracle ne sont pas autorisés à transmettre à des tiers le droit de reproduction de ces programmes. » (Point 28 de l’arrêt)
Très sommairement, la CJUE a rendu un arrêt en faveur d’Usedsoft en estimant qu’il y avait épuisement des droits dans le cas d’espèce et qu’Oracle n’avait du coup plus la possibilité d’entamer une action contre ces reventes étant donné qu’il y avait eu première « vente » d’une copie des programmes ordinateurs de sa part, et que par conséquent, les droits exclusifs d’Oracle étaient épuisés. Toujours selon la Cour, le second acquéreur et les acquéreurs ultérieurs sont considérés comme « acquéreurs légitimes d’une copie d’un programme d’ordinateur » au sens de l’article 5§1 de la directive et donc ont le droit de reproduire pour distribuer. En définitive, la Cour a expliqué comment devait être interprété l’article 4§2 et l’article 5§1 de la directive 2009/24.

La question qui se pose est de savoir si cet arrêt définit une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou est-ce aussi applicable aux fichiers numériques ? Il existe deux approches différentes à prendre en compte :
Il y a tout d’abord l’approche américaine avec l’affaire ReDigi en ce qui concerne la revente de MP3. Dans les faits, la création du site ReDigi se basait sur une idée selon laquelle il devrait être possible de revendre, à prix réduit des chansons légalement achetées sur les plateformes de téléchargement comme ITunes store ou Amazon par exemple. ReDigi légitimait son action en invoquant la règle de first sale selon laquelle une fois un objet culturel vendu, certains droits s’éteignent, ce qui permet à son acheteur de le revendre, le donner, le léguer sans que le titulaire du droit ne puisse s’y opposer. Cette théorie applicable aux biens avec supports, l’est-elle en ce qui concerne des biens immatériels ? C’est ce à quoi le juge américain a du faire face dans cette affaire. Selon lui, cette règle ne peut être appliquée dans le cas d’espèce étant donné que la vente n’existe pas dans le monde du téléchargement numérique, il est question de contrats de location de licence d’utilisation. En effet, dans les conditions générales de vente d’ITunes, il est clairement exprimé qu’ITunes ne concède à l’acheteur qu’une licence d’utilisation du contenu par conséquent toutes reventes ou transferts de fichiers à un tiers est interdits. Il est clairement question de licence et non de vente dans ce genre de rapport contractuel.
En ce qui concerne la circulation des produits dématérialisés, de manière générale, on peut se poser des questions par rapport à ce raisonnement tenu par le juge américain. D’autant plus que dans différentes affaires y compris américaines l’importance de la première vente a été mise en avant en ce qui concerne les transactions numériques. En Europe cela a aussi été le cas avec la CJUE dans l’affaire qui opposait Oracle et Usedsoft expliquée brièvement ci-dessus.

Revenons sur cette affaire. Cette approche européenne est différente de celle américaine dans le sens où la Cour de Justice étend la règle de l’épuisement des droits aux logiciels commercialisés sous une forme intangible (et plus seulement aux supports matériels) et possiblement donc à tout autre produit immatériel de l’industrie culturelle. Selon la Cour, la mise à disposition du logiciel par téléchargement depuis le site d’Oracle avait impliqué un transfert de propriété et que de ce fait il était question d’un contrat de vente dont l’objet était la copie du logiciel pour autant que la copie initial du vendeur soit détruite. Selon la cour, il existe une notion autonome européenne de ‘vente’ sur laquelle elle s’est d’ailleurs basée. C’est cette qualification donnée par la Cour qui permet l’application de l’article 4 §1 de la directive 2009/24 et par conséquent l’application de la règle de l épuisement. De plus, la Cour, en se référant aux considérants de la directive et à cet article 4, explique qu’il n’y a aucune distinction qui est opérée en ce qui concerne la forme. Ce qui l’amène à conclure qu’il s’agisse d’un support matériel ou immatériel, la règle de l’épuisement s’applique. Un arrêt de la Cour de Cassation française du 11 septembre 2013 confirme la position de la Cour de Justice de l’Union européenne posée dans l’arrêt Usedsoft en matière de logiciel et l’étend aux œuvres musicales.

En conclusion, dans l’affaire ReDigi le juge américain en n’ayant pas retenu comme qualification le contrat de vente, écarte la possibilité d’appliquer la règle du first sale c’est à dire la règle de l’épuisement. Par conséquent le titulaire des droits à toujours la possibilité de s’opposer à toute revente de son produit. Au contraire, dans l’affaire Usedsoft, le juge qualifie la licence de « vente » et de ce fait permet l’application de l’article 4§2 de la directive 2009/24 c’est à dire l’application de la règle de l’épuisement.
D’un coté, on pourrait trouver des similitudes non négligeables entre les deux affaires. Il est évident que dans celles-ci, l’objet des griefs est légèrement différent apriori. Dans l’une, il est question de logiciels commercialisés sous forme intangible, alors que dans l’autre il s’agit plutôt de fichiers numériques (biens dématérialisés). Différents oui mais pas totalement. En effet, dans les deux cas, il est question de produits dématérialisés. La règle selon laquelle l’épuisement ne peut avoir comme objet que des biens tangibles et non immatériels conformément à la directive 2001/29, n’est pas applicable dans l’affaire Usedsoft. En effet, le juge européen a précisé en se référant à l’article 4§2 de la directive 2009/24 que celui-ci ne prévoit en aucun cas une distinction en fonction de la forme (matérielle ou immatérielle) en ce qui concerne la règle de l’épuisement. Il s’est aussi référé aux prescrits des considérants de le directive 2009/24 selon lesquels la notion de “programme d’ordinateur“ vise les programmes « sous quelque forme que ce soit ». Cet arrêt Usedsoft pourrait donc être interprété en ce sens qu’il n’y a pas de différence à faire entre forme matérielle et immatérielle en ce qui concerne entre autres la règle de l’épuisement qui est l’équivalent européen de la règle du first sale. Que par conséquent, la théorie du first sale pourrait, en se basant sur l’arrêt Usedsoft, s’appliquer aux biens immatériels (pas seulement matériels). La théorie américaine s’exercerait donc aussi en ce qui concerne la revente de MP3. De plus, le système de téléchargement que ce soit de logiciels ou de fichiers numériques procède de la même manière : la licence permet de télécharger une copie et de l’utiliser en contrepartie du paiement d’un prix. Deux systèmes similaires se doivent donc d’avoir un raisonnement similaire. C’est pourquoi il est tout à fait possible que pour des fichiers numériques, un juge puisse se baser sur l’affaire Usedsoft pour requalifier la licence en contrat de vente et ainsi permettre l’application de la règle de l’épuisement. La revente de ce fichier sera alors possible sans que le titulaire de droits puisse s’y opposer. Cet arrêt Usedsoft montre qu’il est possible d’étendre la règle de l’épuisement à d’autres produits immatériels, il pourrait donc ne pas être une lex spécialis aux seuls logiciels et pourrait s’étendre aux fichiers numériques.

D’un autre coté, le juge européen dans l’arrêt Usedsoft en qualifiant le contrat de vente et permettant ainsi l’application de la règle de l’épuisement se base totalement sur la directive 2009/24 qui est applicable seulement aux programmes ordinateurs et non aux fichiers numériques. Il précise d’ailleurs expressément qu’il s’agit d’une lex specialis par rapport à la directive de base 2001/29. Ce qui porte à dire que même si cet arrêt peut être une base intéressante pour d’autres arrêts concernant des éléments similaires, il y aura toujours un frein car l’arrêt vise essentiellement les programmes ordinateurs.

En ce qui concerne la deuxième question:

D’après l’arrêt Nintendo du 27 avril 2004, il est incontestable qu’un jeu vidéo acheté légalement par un distributeur auprès d’un éditeur peut être revendu par le distributeur. Selon la Cour l’éditeur a épuisé son droit. En effet, une fois que la première vente d’un exemplaire matériel d’une œuvre a été autorisée par l’auteur, il ne peut s’opposer à la revente de cet exemplaire. Mais qu’en est-il des jeux -vidéos distribués en ligne (non matériel) ?
Tout d’abord, conformément à l’article 1§1 de la directive 91/250, les programmes d’ordinateurs sont protégés par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne, cette protection est étendue au §2 à toutes les formes d’expression d’un programme d’ordinateur (Arrêt Besoft, point 31). Selon le considérant 7 de la directive 91/250 : « Aux fins de la présente directive, les termes «programme d’ordinateur» visent les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel. Ces termes comprennent également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur. »
Etant donné que les jeux-vidéos sont des logiciels et donc des programmes d’ordinateurs, la directive 2009/24 est applicable aussi en ce qui concerne les jeux-vidéos distribués en ligne. En se basant sur l’arrêt Usedsoft, il serait alors correct d’avancer le fait que la règle de l ‘épuisement pourrait être applicable à la revente de jeux-vidéos en ligne et ainsi avoir pour objet un produit dématérialisé (voir explications ci-dessus). Le titulaire des droits ne pourra par conséquent pas s’opposer à la revente.
En ce qui concerne les apps’ distribués en ligne, ce sont aussi des logiciels qui pourront donc bénéficier du raisonnement apporté par la Cour dans l’arrêt Usedsoft.

En ce qui concerne la troisième question:

Deux obstacles majeurs empêchaient ReDigi de pouvoir mettre en œuvre un marché de l’occasion numérique. Tout d’abord et comme déjà dit précédemment, le juge américain n’a pas reconnu l’application de la règle du first sale en ce qui concerne la revente de musique en ligne. De ce fait, il est possible pour le titulaire de s’opposer à celle-ci. Ensuite, le second frein était que lorsque le fichier était transféré vers les serveurs de ReDigi, la copie du fichier, nécessaire pour ce transfert, entraînait une violation du droit d’auteur (droit de reproduction) car dans l’hypothèse où le fichier numérique était revendable, l’exclusivité n’était pas garantie à l’acquéreur et s’il ne l’était pas, le titulaire voyait son exclusivité être violée. Pour parer à ses problèmes juridiques, ReDigi a aujourd’hui recours à une nouvelle technologie brevetée. Celle-ci a pour particularité qu’aucune copie ne puisse désormais être faite lors du transfert et de permettre une analyse de chaque fichier qui entre dans le système ReDigi pour s’assurer qu’il est légalement revendable. C’est un système basé sur le Cloud qui transfère directement le fichier original du possesseur actuel vers le nouveau, sans faire de copie et qui permet de vérifier que la copie de départ et les copies à usage personnel éventuelles faites par le vendeur ont été supprimées.

L’idée de ReDigi de vouloir ouvrir, au monde du numérique, un marché d’occasion est un pari audacieux. En effet, certaines sociétés peuvent ne pas être enchantées suite à l‘émergence de ce marché qui vient concurrencer le marché des ventes en lignes de musique (ITunes,..) mais aussi celui du disque. Cependant, faire concurrence n’est pas interdit, par contre si les procédés concurrentiels sont contraires à la loi, on risque de parler de concurrence dite ‘déloyale ’et là, ça peut poser problème. Or, je pense que la revente de fichiers audio par ReDigi peut être considéré apriori comme licite à partir du moment où il est certain que le fichier audio acquis légalement soit revendable c’est à dire lorsque les droits du titulaire sont épuisés et où le transfert ne nécessite plus de copie sur le serveur de ReDigi. C’est finalement ce qui semble avoir été réglé par la nouvelle technologie à laquelle recours désormais ReDigi. Le seul bémol serait les copies faites par le vendeur qui ne seraient pas détectables et qui se trouveraient toujours quelque part sur d’autres machines. En effet, le transfert de propriété ne serait pas total puisqu’une copie se trouverait toujours à la disposition du vendeur. Cette technologie est certes innovante pour la revente de fichiers numériques de seconde main mais son efficacité n’est à mon sens pas totale.

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Alain Strowel

Merci. La référence à l’arrêt de la cour de cassation française est intéressant mais je ne suis pas sûr de votre interprétation du troisième moyen.

Valentin Debelder, Aurélie Van Oost
Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Dans l’arrêt UsedSoft, il est plusieurs fois fait mention de la Directive 2009/24/CE concernant la protection juridique des programmes d’ordinateurs et il est rappelé…
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Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Dans l’arrêt UsedSoft, il est plusieurs fois fait mention de la Directive 2009/24/CE concernant la protection juridique des programmes d’ordinateurs et il est rappelé au paragraphe 51 que cette directive constitue une lex specialis par rapport à la Directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Pour cette raison, il nous semble que les logiciels doivent être soumis à un régime différent par rapport à d’autres fichiers numériques tels que des MP3 musicaux ou des eBooks. La jurisprudence de l’arrêt UsedSoft ne devrait dès lors leur être applicable.

Toutefois, si on applique un raisonnement économique et non juridique à cet enseignement, ne pourrait on arriver à une solution similaire ? Doit-on réellement considérer qu’il y a une différence entre la commercialisation de licences d’utilisation se rapportant aux programmes d’ordinateurs et celles de fichiers musicaux ou d’eBooks ? Dans les deux cas, l’utilisateur se voit accorder la possibilité d’utiliser le fichier ou logiciel pendant une durée indéterminée moyennant le paiement d’un prix. Sur ce point du raisonnement économique, la jurisprudence de cet arrêt ne devrait donc pas être considérée comme une lex specialis.

Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09).

Pour ce faire, il convient donc tout d’abord de définir la notion de logiciel. Celle-ci avait été définie dans l’arrêt BeSoft. Cette affaire opposait la société BeSoft, qui voulait gérer collectivement les droits d’auteurs patrimoniaux sur des logiciels et notamment sur des logiciels de jeu, au ministère de la culture tchèque qui s’y était opposé.

A l’occasion de cet arrêt, la question de la définition de la notion de « programme d’ordinateur », ou « logiciel » s’est posée. Pour ce faire, la Cour (§ 32) renvoie à la première phrase du septième considérant de la directive 91/250 qui indique le terme de « programme d’ordinateur » vise les programmes sous quelque forme, y compris ceux qui sont incorporés au matériel. La Cour précise que « l’objet de la protection conférée par cette directive vise le programme d’ordinateur dans toutes les formes d’expression de celui-ci, qui permettent de le reproduire dans différents langages informatiques, tels le code source et le code objet ». Le logiciel doit donc pouvoir être exécuté par une machine.

Suite à cette définition du logiciel, pourrait-on donc considérer que les jeux-vidéos et les « apps » doivent se voir appliquer la jurisprudence UsedSoft ? A notre humble avis, cette jurisprudence peut effectivement leur être appliquée.

Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?
Dans l’ancienne version de ReDigi, la District Court de New-York avait une vision très matérialiste des choses. Il y avait une importante référence aux lois de la physique. En effet, la Cour disait que ce n’était pas possible que ce soit le même objet matériel au départ et à la réception du transfert : « it is simply impossible that the same « material object » can be transferred over the internet ». La copie qui se trouve sur le serveur de ReDigi et celle acquise sur l’ordinateur du revendeur n’a pas le même objet matériel même si l’on peut parler de même suite numérique. Physiquement, c’est différent, donc cela devient une nouvelle reproduction, peu importe si l’œuvre originale a été détruite ou pas. Nous ne sommes pas dans un cas de distribution du même objet comme ReDigi le soutenait. Etant dans un cas de reproduction donc, et non plus dans une distribution du même objet, la règle du first sale ne trouve donc plus à s’appliquer en l’occurrence.

La nouvelle technologie brevetée proposée par ReDigi permet d’éviter ce phénomène de reproduction qui a causé le blocage de l’ancien service par le juge américain. En effet, cette nouvelle technologie se compose de trois méthodes chronologiques. La première consiste en une vérification de la licéité des fichiers digitaux qui entrent dans le système de ReDigi afin de s’assurer qu’il est tout à légal de revendre ce fichier. La deuxième étape, que ReDigi nomme « Atomic Transaction », se fonde sur un mécanisme basé sur le cloud qui transfère instantanément un bien original d’un propriétaire à l’autre sans faire de copie. Lors de la dernière étape, une application de gestion numérique aide les vendeurs à identifier et à s’assurer que les copies des médias soient bien supprimées.

Nous pouvons donc voir que ReDigi a (pour le moment ?) réussi à contourner le prescrit du juge américain qui stipulait que la plateforme créait des reproductions illicites des fichiers numériques. Dès lors, si la plateforme n’est enfin devenue qu’une plateforme de transition comme elle se plaisait à se décrire dès sa mise en place, et que les éventuels copies du fichier numérique sont bel et bien supprimées sur l’ordinateur du revendeur, nous ne voyons pas où l’illicéité se trouverait dans ce système de revente de fichiers numériques.

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Delaey Thibault  
IPdigIT revient sur l’affaire ReDigi : adapter la technologie pour éviter l’interdit du droit Introduction : Dans l’arrêt UsedSoft, Oracle opposait à la vente des logiciels d’occasion la clause du contrat de licence stipulant que le droit d’utilisation des programmes est « non cessible ». Selon la société UsedSoft il y a épuisement communautaire du droit et elle s’estime donc être…
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IPdigIT revient sur l’affaire ReDigi : adapter la technologie pour éviter l’interdit du droit

Introduction :

Dans l’arrêt UsedSoft, Oracle opposait à la vente des logiciels d’occasion la clause du contrat de licence stipulant que le droit d’utilisation des programmes est « non cessible ». Selon la société UsedSoft il y a épuisement communautaire du droit et elle s’estime donc être dans ses droits. Une question préjudicielle est dès lors posée à la Cour de justice de l’UE qui rend sa décision le 3 juillet 2012.

En matière de logiciels, la règle de l’épuisement est prévue à l’article 4§ 2 de la directive 2009/24 CE :
« La première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur dans la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement épuise le droit de distribution de cette copie dans la Communauté, à l’exception du droit de contrôler des locations ultérieures du programme d’ordinateur ou d’une copie de celui-ci ».

L’arrêt rappelle que la notion de première vente doit être interprétée largement afin que l’article 4 ne soit pas dénué de toute utilité. Dès lors, le paiement d’un prix en échange d’une licence d’utilisation d’une copie d’un logiciel sans limitation de durée implique bien un transfert de propriété de cette copie, et constitue une vente (considérants 45, 46 et 50). La Cour décide donc de requalifier le contrat en contrat de vente alors même qu’Oracle n’entendait concéder qu’un droit d’usage.

De plus, la Cour considère que l’acquéreur secondaire est un acquéreur légitime au sens de l’article 5§1 de la directive et seul cet acquéreur peut, aux termes de cet article, reproduire le logiciel sans l’autorisation du titulaire aux fins de l’utiliser d’une manière conforme à sa destination. Or, le téléchargement d’une copie de ce logiciel relève bien du droit de reproduction.

Enfin, accepter la clause rédigée par Oracle de non cessibilité du droit d’usage de ses logiciels reviendrait à priver de tout effet l’épuisement prévu à l’article 4 de la directive.

Selon la Cour la règle de l’épuisement doit ici jouer. Elle donne raison à UsedSoft mais précise (considérants 69 à 71) tout de même que l’absence de violation des droits exclusifs d’Oracle sur le programme d’ordinateur est subordonnée à la condition que l’acquéreur initial rende inutilisable sa propre copie au moment de la revente de celle-ci. C’est ici que cela devient plus compliqué… car les juges communautaires de préciser que c’est au distributeur de garantir ses droits en recourant, le cas échéant, à des mesures techniques de protection.

C’est intéressant de comparer sur ce point cette affaire à l’affaire ReDigi:
• L’approche européeenne avec l’affaire UsedSoft : les juges communautaires invitent le titulaire des droits à adapter la technologie afin de protéger ses droits face à des plateformes de vente de « seconde main ». Interprétation large de la notion d’épuisement communautaire.
• L’approche américaine avec l’affaire ReDigi : interprétation restreinte de la notion de « first sale » conduisant la plateforme de vente de « seconde main » ReDigi à adapter sa technologie pour éviter l’interdit de la règle du « first sale » telle qu’elle est interprétée par le District Court de New-York dans l’affaire Capital Record v. ReDigi. « La solution retenue dans l’arrêt ReDigi consacre, en filigrane, la théorie selon laquelle il n’y a pas de vente dans le monde du téléchargement, seulement des contrats de locations de licence d’utilisation. Par exemple, dans les conditions générales de vente d’iTunes, Apple précise clairement que l’acheteur reconnaît qu’iTunes ne lui concède qu’une licence d’utilisation du contenu mis à sa disposition. Ainsi sont interdits toutes revente, ou transfert des fichiers à un tiers. Amazon va plus loin et précise que, la société ne fournit qu’une licence limitée, non transférable et aucun droit de propriété n’est accordé sur le contenu musical mis à disposition » (H. PLESSIS e.a. « L’exemplaire numérique sans support : le vieux continent à la pointe de l’évolution » in http://www.blog-dmi.com/lexemplaire-numerique-sans-support-le-vieux-continent-a-la-pointe-de-levolution/ consulté le 6 mai 2014).

On remarque que la protection du titulaire des droits est plus importante dans ce contexte aux USA qu’en Europe.

La décision de la CJUE dans l’affaire UsedSoft « a, dans l’ensemble, été plutôt mal accueillie par la doctrine […] qui voit une sorte d’effacement du droit d’auteur au profit de la liberté de circulation des œuvres » (T. STAMENKOVIC, « Commentaire de l’arrêt UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp., Cour de justice de l’Union européenne, 3 juillet 2012 (Affaire C-128/11) » in http://m2bde.u-paris10.fr/node/2506 consulté le 6 mai 2014).

1) Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par exemple des MP3 musicaux ou des ebooks) ?

Dans l’arrêt UsedSoft (résumé en guise d’introduction), la Cour a assimilé la licence d’usage octroyé par Oracle à une vente. Cette opération impliquerait donc un transfert, au client, du droit de propriété de la copie du programme d’ordinateur concerné, peu importe d’après la Cour, que cette copie soit fournie par téléchargement ou grâce à un support matériel comme un CD-Rom ou un DVD.

« Cette assimilation entre copie matérielle et immatérielle, laisse suggérer que d’autres solutions qui valent aujourd’hui, dans le monde physique, en droit de la propriété intellectuelle, pourraient être appliqués au monde digital. (M. Rath, C. Maiworm, « Weg frei für Second-Hand-Software? », WRP-Wettbewerb in Recht und Praxis, 9/2012, p.1054.) […] » (T. STAMENKOVIC, op. cit.).

Et en effet, les retombées ne se sont pas faites attendre puisque la Cour de Cassation française s’est prononcée dans un arrêt rendu le 11 septembre 2013 en matière de diffusion d’une œuvre numérique. Selon la Cour, l’autorisation donnée par les artistes interprètes d’exploitation de l’enregistrement de leurs interprétations sous la forme de « phonogrammes publiés à des fins de commerce » vaut également pour la mise à disposition de leur prestation sous forme de téléchargement payant (C. Cass., (1ère ch.), 11 septembre 2013, n°12-17.794).

Je pense qu’il ne faut pas considérer l’arrêt UsedSoft comme une lex specialis et que l’épuisement communautaire pourra également jouer lorsqu’il y aura revente de fichiers musicaux d’occasion par exemple. Il s’agit de la question de la neutralité technologique dont traite notamment le professeur Werra dans son article intitulé « Défis du droit d’auteur dans un monde connecté ». Selon lui le respect d’une certaine neutralité technologie semble avoir retenu les faveurs des tribunaux citant notamment un arrêt de la Cour Suprême du Canada (Arrêt du 12 juillet 2012, «Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique», 2012 CSC 34, [2012] 2 R.C.S. 231) « constatant l’absence de différence entre l’acquisition d’un exemplaire physique d’une œuvre (un livre) et le téléchargement d’une œuvre sur Internet. Sur cette base, elle a considéré que la vente sur Internet d’un jeu vidéo contenant une œuvre musicale dont les redevances avaient déjà été négociées avec le titulaire du droit d’auteur n’emporte pas l’exigibilité d’une nouvelle redevance, faute d’usage tombant dans le champ du droit exclusif de l’auteur, qui seul pourrait justifier le paiement d’une nouvelle redevance ».

Quant à la question de la reproduction, l’article 5§1 de la directive 2009/24 CE autorise l’acquéreur légitime du logiciel à effectuer une reproduction. Bien qu’il n’y a pas de disposition identique concernant le droit d’auteur, je pense que l’on pourrait considérer que l’acheteur d’occasion copiant le fichier de la plateforme vers son ordinateur réalise une copie privée ce qui lui est permis.

Une dernière question se pose : serait-ce possible d’appliquer l’enseignement de l’arrêt Copad c. Dior par analogie et ainsi d’empêcher la revente de fichier numérique ? Avec comme argumentation que cette vente au « rabais » mettrait en péril l’image de « marque » des artistes. Ceci permettrait une nouvelle mise en balance des intérêts en jeu et une protection des créateurs qui s’est réellement ébranlée après l’arrêt UsedSoft.

2) Si l’on conclut que la Jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux vidéos ou des « apps » distribuées en ligne ? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la CJUE l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22.12.2010 C393/09).

Selon moi, conformément à la réponse apportée à la question 1), la jurisprudence UsedSoft n’est pas applicable aux seuls logiciels et vaut donc notamment également pour les jeux vidéos ou des « apps » distribuées en ligne. Il n’y a pas lieu de faire de distinction entre le jeu vidéo vendu sous sa forme matériel (par exemple sous forme de Disc) et vendu sous sa forme immatériel via le téléchargement. Il s’agit de la question de la neutralité technologique abordée ci-dessus.

3) Pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis ?

Communiqué de presse de ReDigi :
« Redigi’s patented technology provides significant opportunities to unlock the full value of digital content by creating a system and method for the resale of that content without actualy having to make a copy »
« Removal and Monitoring Mechanisme. A digital management application that helps sellers identifyed ensure personal-use copies of the sold media are removed ».

Sur le principe, il me semble que cela ne pose pas de problème. Quant à l’efficacité de la technologie, j’émets des doutes. Il faudrait vérifier la réelle impossibilité pour l’utilisateur d’effectuer une copie du « cloud » vers son ordinateur.

Sources :
• T. STAMENKOVIC, « Commentaire de l’arrêt UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp., Cour de justice de l’Union européenne, 3 juillet 2012 (Affaire C-128/11) » in http://m2bde.u-paris10.fr/node/2506 consulté le 6 mai 2014.
• H. PLESSIS e.a. « L’exemplaire numérique sans support : le vieux continent à la pointe de l’évolution » in http://www.blog-dmi.com/lexemplaire-numerique-sans-support-le-vieux-continent-a-la-pointe-de-levolution/ consulté le 6 mai 2014.
• M. RIGAUX, « La protection par le droit d’auteur des interfaces utilisateurs générées par ordinateur et la communication de celles-ci, étude franco-anglaise suite à l’arrêt C-393/09 du 22 décembre 2010 de la CJUE » in http://m2bde.u-paris10.fr/content/la-protection-par-le-droit-dauteur-des-interfaces-utilisateurs-générées-par-ordinateur-et-la, consulté le 6 mai 2014.
• J. DE WERRA, « Défis du droit d’auteur dans un monde connecté » in Sic ! Sondernummer 2014 194, 19 pp.
http://www.nortonrosefulbright.com/fr/knowledge/publications/70615/newsletter-technologies-et-innovation , consulté le 6 mai 2014.
• C. Cass., (1ère ch.), 11 septembre 2013, n°12-17.794 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000027949106&fastReqId=1214051902&fastPos=1, consulté le 6 mai 2014).
• Arrêt du 12 juillet 2012, «Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique», 2012 CSC 34, [2012] 2 R.C.S. 231

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Alain Strowel

Bonne recherche mais je ne suis pas sûr de partager votre lecture de l’arrêt de la cour de cassation française de septembre 2013.

Antoine Duvieusart
Pour ce qui est de là première question, on ne peut se défendre de noter que, de façon répétée, les directives sur lesquelles la Cour se basent, entendent faire protéger les programmes informatiques par le droit d’auteur « en tant qu’œuvre littéraire au sens de la Convention de Berne ». Il faut donc nécessairement considérer très attentivement la relation…
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Pour ce qui est de là première question, on ne peut se défendre de noter que, de façon répétée, les directives sur lesquelles la Cour se basent, entendent faire protéger les programmes informatiques par le droit d’auteur « en tant qu’œuvre littéraire au sens de la Convention de Berne ». Il faut donc nécessairement considérer très attentivement la relation entre programme informatique et œuvre littéraire : tout écart doit être spécialement justifié, au regard de sa situation particulière.
Toutefois, d’autres signes tendent bel et bien à nous orienter vers la piste de la lex specialis. A plusieurs reprises dans l’affaire UsedSoft, rappelle-t-on expressément que la directive de 2009 est en effet une lex specialis vis-à-vis de celle visant à harmoniser le droit d’auteur, de sorte que les dispositions de cette dernière ne doivent pas s’appliquer si elles ne coïncident pas avec celles de la directive 2009/24.
Mais s’il s’agit bien d’une lex specialis, il convient d’accorder une attention tout à fait particulière à la question du champ d’application de cette directive. Plus particulièrement, a-t-elle pour but de protéger les « logiciels » ou les « programmes informatiques » ? Dans le même temps, doit-on considérer cette distinction comme pertinente ?
La seule précision que j’y trouve est le fait que la directive protège les programmes « sous quelque forme que ce soit ». La règle a un large champ, mais le contexte suggère qu’il est fait ici référence plus à la forme utilisée pour communiquer le programme que sa fonction.
Dès lors que, par ailleurs, le programme d’ordinateur doit être protégé « comme une œuvre littéraire », il faut considérer que c’est la rédaction en code du programme, qui justifie cette protection. Cela vaut même si, en matière d’informatique, c’est précisément le langage utilisé dans la mise en forme de l’œuvre (c’est-à-dire le code), qui permet au logiciel d’exercer une fonction donnée. On adopte ici la protection du droit d’auteur, et non du brevet.
Si les fichiers musicaux ou les e-books ne sont qu’une traduction en langage informatique d’un texte ou d’un contenu auditif (un peu comme une partition), il me semble qu’il faut les considérer comme des programmes informatiques, dès lors qu’il s’agit d’œuvres littéraires rédigées en langage informatique.

Cela étend, la deuxième question nous demande de restreindre l’application de la règle de l’épuisement aux seuls logiciels. Si l’on reprend le raisonnement de l’affaire C-393/09, un programme informatique (ici restreint au seul logiciel) est caractérisé par la capacité de l’utilisateur à interagir avec lui. La protection du programme informatique est également étendue aux éléments de préparations qui permettent de reproduire le programme fini.
Pour ce qui est des jeux vidéo, il n’y a aucun doute qu’ils doivent être considérés comme des programmes informatiques au sens de la directive. Ce point n’a d’ailleurs jamais été remis en cause dans l’affaire en question. L’affaire n’évoque pas les applications pour smartphones ou tablettes, mais il me semble que l’on peut également les qualifier de logiciels.
En tant que tels, les jeux vidéo distribués via Internet et les applications doivent suivre le même sort que les logiciels d’UsedSoft.

A priori, l’existence d’un système capable d’effacer la copie de l’ordinateur du vendeur tout en en créant une nouvelle dans le système de l’acheteur permet, à toutes fins utiles, de transférer le fichier comme s’il s’était agi d’une copie sur un support physique, et de rendre l’opération aussi licite que, par exemple, la revente d’un vieux CD. Toutefois, en matière de vente et de revente licite de contenus numériques, de nombreuses questions peuvent se poser.
Ainsi, si l’on prend la question dans le sens contraire, on en vient à se demander si, à défaut de cette technologie, la revente d’un contenu acquis de façon licite est automatiquement illicite. Mais peut-on envisager une véritable propriété sans la faculté de revendre son bien ? Dans les grandes lignes, la propriété est ce qui permet d’utiliser, de profiter et de disposer d’un bien. Si le premier vendeur peut m’empêcher de revendre ce qu’il m’a cédé, me l’a-t-il bien cédé à l’origine ? En d’autres termes, peut-on réellement avoir acquis quelque chose qu’on ne peut revendre ?
Ensuite, la question suppose qu’on conserve la définition de vente, selon laquelle la vente est une opération consistant à transférer à autrui la propriété que l’on détient sur un bien, pour recevoir en retour une somme d’argent. C’est parfait si l’on se place du point de vue du vendeur, mais du point de vue de l’acquéreur, la vente consiste à recueillir la propriété sur un bien, en échange d’une somme d’argent.
Du point de vue de l’acquéreur, est-il nécessaire que le vendeur se soit défait du bien ? La question n’a pas de sens tant que l’on parle de biens matériels, mais lorsque l’on parle de copies digitale, elle présente un certain intérêt : pour qu’il y ait vente, faut-il que l’acheteur ait, que le vendeur n’ait plus, ou les deux cumulés ?
Dans cette optique, on pourrait dire que la transaction est possible dès l’origine, et que la technologie de ReDigi a pour seul effet d’obliger le vendeur à ne pas continuer à profiter du bien dont il a prétendu se défaire. Elle n’a aucune incidence sur la validité de l’opération, en tout cas du point de vue de l’acheteur.
On peut, enfin, noter la légère incongruité qu’il y a à exiger que le revendeur d’une copie digitale efface les autres copies qui pourraient être en sa possession. Quelqu’un qui revendrait, par exemple, une chanson sur un CD normalement acquis, tout en conservant une copie qu’il aurait faite lui-même, pourrait juste revendre le CD sans que personne ne vienne lui demander des comptes. Il est curieux de se montrer plus exigeant vis-à-vis d’un exemplaire acquis via Internet. Peut-être est-ce parce qu’il est plus facile de constater une différence objective entre le contenu original et la copie personnelle ?

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Brasseur Guillaume
L’arrêt UsedSoft, une lex specialis applicable aux seuls logiciels ? L'arrêt UsedSoft porte sur des programmes d'ordinateur et se base sur la directive 2009/24 qui ne traite que de cette matière également. On pourrait donc en déduire que les avancées apportées ne concernent que ce domaine en particulier. Cependant, la CJUE semble donner une portée générale à bon nombre de ses considérants. Par…
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L’arrêt UsedSoft, une lex specialis applicable aux seuls logiciels ?

L’arrêt UsedSoft porte sur des programmes d’ordinateur et se base sur la directive 2009/24 qui ne traite que de cette matière également. On pourrait donc en déduire que les avancées apportées ne concernent que ce domaine en particulier. Cependant, la CJUE semble donner une portée générale à bon nombre de ses considérants.
Par ses paragraphes 42 et suivant par exemple, la Cour attribue un sens large au terme de vente. L’opération regroupant le téléchargement d’un programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation, moyennant le paiement d’un prix est ainsi assimilée à un transfert du droit de propriété. A fortiori, le téléchargement d’un fichier musical et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation comme celui prévu par l’iTunes Store constituera lui aussi une vente, entraînant ainsi qu’il y ait eu « première vente », et donc épuisement du droit de distribution.
Pour cela, il faut bien entendu que l’utilisateur ait rendu inutilisable sa propre copie au moment de la revente (§70). Ce point procédant d’une analyse générale du droit d’épuisement, le considérant doit être pris en compte dans toute vente de seconde main, qu’elle soit virtuelle ou non, et surtout quel que soit l’objet de la revente, ne se limitant pas aux seuls programmes d’ordinateur.

Outre ces éléments, il est également opportun de prendre en compte l’avis global de la CJUE en la matière. Cet arrêt laisse à penser selon moi que la Cour semble plutôt encline, sinon à encourager, tout du moins à ne pas entraver le commerce d’entreprises comme UsedSoft. ReDigi étant sensiblement similaire, par la revente de contenus de seconde main en ligne, il n’est pas improbable de penser que la Cour de Justice va se baser sur ses propres arguments développés dans l’affaire UsedSoft/Oracle pour appuyer un point de vue légitimant la société de revente.

La jurisprudence ne faisant pas loi, mais influençant grandement les éventuels conflits juridiques à venir, l’on ne pourra voir la portée de cet arrêt que dans les prochaines décisions de la CJUE, qui confirmeront ou infirmeront les hypothèses brièvement développées ici.

ReDigi d’office licite grâce à sa nouvelle technologie ?

Le logiciel de ReDigi analyse les fichiers musicaux des utilisateurs. Les musiques achetées soit sur iTunes, soit sur ReDigi sont les seules à pouvoir être revendues sur la plate-forme. Elles sont alors uploadées sur le cloud. Pour contrer l’argument avancé par les opposants au système de revente de seconde main en ligne consistant à dire que le revendeur peut très bien avoir fait une copie avant de mettre son fichier sur le cloud, le logiciel de ReDigi fait non seulement disparaître le fichier uploadé de l’ordinateur de l’utilisateur, mais traque aussi toutes les éventuelles copies préalablement réalisées, et ce également sur les appareils qui seraient connectés à l’ordinateur sur lequel se trouve le logiciel téléchargé.
Cela n’est évidemment pas un gage absolu, mais comme le relève la CJUE dans son arrêt UsedSoft, les vendeurs de CD physiques sont confrontés au même problème, et si les distributeurs de contenus musicaux en ligne souhaitent éviter les copies, il leur est loisible d’employer des mesures techniques de protection.

La formulation de la question posée semble impliquer que ce logiciel rend automatiquement licite le système de revente en ligne. Je pense que c’est une vision trop manichéenne. Le programme permettant de supprimer les éventuelles copies n’est en lui-même pas suffisant pour considérer que la revente est licite. D’autres paramètres précédemment évoqués entrent en jeu. Selon moi, il s’agit plutôt d’une sorte de preuve de bonne foi de la part de ReDigi qui essaye d’éviter au maximum que ses utilisateurs se gardent des copies des fichiers qu’ils revendent, alors que ce problème devrait être pris en charge par les distributeurs de première main qui, selon la CJUE, n’ont qu’à s’en prendre à eux-même s’ils n’ont pas inclus dans leurs fichiers des mesures techniques de protection.

Il n’y a aucune raison pour que les règles qui sont applicables aux transactions commerciales en général ne le soient plus dès que l’on rentre dans le monde d’internet. Cependant, il est vrai que certaines dispositions seraient à réviser et à remettre au goût du jour au vu de la présence toujours plus grande de l’environnement numérique dans notre quotidien.

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Clément Chaumont
Après une lecture attentive de l’arrêt Oracle v. Usedsoft rendu par la CJUE, nous allons tenter de répondre aux trois questions qui nous sont soumises. Premièrement, nous voyons que cet arrêt concerne la problématique des programmes d’ordinateur, des logiciels. La Cour n’ayant pas donné une portée plus large à son arrêt que ces simples logiciels, il est difficile d’estimer si…
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Après une lecture attentive de l’arrêt Oracle v. Usedsoft rendu par la CJUE, nous allons tenter de répondre aux trois questions qui nous sont soumises.

Premièrement, nous voyons que cet arrêt concerne la problématique des programmes d’ordinateur, des logiciels. La Cour n’ayant pas donné une portée plus large à son arrêt que ces simples logiciels, il est difficile d’estimer si l’on pourrait étendre les enseignements de cet arrêt à d’autres fichiers numériques tels que les MP3 musicaux ou les ebooks. En ce qui nous concerne, l’impression se fait ressentir que le traitement réservé aux logiciels dans cette affaire semble tout à fait compatible avec des fichiers numériques vendus sur internet par leur créateur. Les deux conditions dégagées par la Cour pour que l’épuisement soit applicable sont d’une part que l’on dispose d’une licence indéterminée dans le temps et qu’on ait d’autre part payé un prix correspondant à la valeur économique de ces biens. Or, si l’on prend par exemple le cas d’un auteur-compositeur-interprète vendant ses créations sur internet, ces deux conditions sont largement remplies. Cette approche économique permettrait donc d’étendre l’enseignement de l’arrêt Oracle c. Usedsoft aux autres fichiers numériques. Cependant, on se heurterait sans doute aux mêmes difficultés que celles rencontrées dans cette affaire. En effet, en cas de revente, comment prouver qu’aucune copie de la musique, de l’album vendu n’ait été réalisée par l’acquéreur originaire. Certes, il existe sans doute des procédés techniques pour ce faire, mais il nous semble cependant quelque peu aisé de les contourner. Un arrêt de la Cour de justice sera sans doute nécessaire répondre à cette question des plus délicates au vu des difficultés techniques qu’elle engendre.

La deuxième question nous pousse à nous interroger sur ce qui peut être considéré ou non comme un logiciel. En effet, peut-on étendre cette notion de logiciel aux jeux vidéo ou aux applications distribuées en ligne par exemple ? A priori, nous répondrions à cette question par l’affirmative. Les jeux vidéo sont également des logiciels d’un point de vue technique. Pour appuyer notre réponse, nous nous sommes basés sur l’arrêt BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09) de la CJUE. Au travers des considérations de la Cour dans cette affaire, nous pouvons voir qu’elle met en place un raisonnement très intéressant en s’appuyant sur les textes législatifs européens et internationaux.
Elle commence par citer la convention de Berne, qui dispose que « les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’œuvres littéraires (…) ». Les jeux vidéo étant effectivement exprimés en code source, ils rentrent dans la définition de cette convention (http://korben.info/analyse-du-code-source-de-3-grands-jeux.html).

Ensuite, la Cour rappelle les termes de la directive 91/250, en disposant que « le terme ‘programme d’ordinateur’ vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel (…)», il nous semble clair que l’on puisse inclure les jeux vidéo en ce qu’ils sont une « forme » de programme d’ordinateur. Cependant, il est important de signaler que l’interface utilisateur graphique (qui est prépondérante dans les jeux vidéo) ne bénéficie pas de la protection accordée aux logiciels, programmes d’ordinateur. En effet, cette interface graphique est plutôt considérée comme une œuvre et se voit donc bénéficier de la protection par le droit d’auteur si et seulement si elle est une création propre à son auteur (ce qui est le cas dans la majorité des jeux vidéo). Pour ce faire, la CJUE a précisé que « lors de son appréciation, le juge national devra tenir compte, notamment, de la disposition ou de la configuration spécifique de toutes les composantes qui font partie de l’interface utilisateur graphique afin de déterminer lesquelles remplissent le critère de l’originalité. À cet égard, ce critère ne saurait être rempli par les composantes de l’interface utilisateur graphique qui seraient uniquement caractérisées par leur fonction technique ».
C’est donc uniquement la composante technique des jeux vidéo qui rentre dans la définition des logiciels et qui est donc régulée par la directive 91/250.

Concernant la troisième et dernière question, il nous semble qu’en effet, la nouvelle technologie proposée par ReDigi pourrait être une bonne solution au vu des considérations ci-dessus. Elle remplit en effet les deux conditions dégagées par la Cour pour que l’épuisement soit applicable c’est-à-dire que d’une part l’on dispose d’une licence indéterminée dans le temps et que, d’autre part, l’on ait payé un prix correspondant à la valeur économique de ces biens. Le fait de ne pas réaliser de copie semble en effet être le moyen de contourner la jurisprudence Capitol Records. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de savoir si cette technique sera acceptée par les juridictions américaines. Il sera, pour ce fait, intéressant de suivre la réponse qu’elles auront à donner à cette affaire qui est sans doute loin d’être arrivée à son terme.

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Florian Poncin  
La règle de l'épuisement semble de jure s'appliquer aux logiciels. Il peut dès lors être intéressant de savoir si cette notion de "logiciel" a la vocation de s'étendre à d'autres réalités que le simple programme informatique au sens où on l'entend communément. L'exemple du jeu vidéo pourrait, à cet égard, éclairer les paroles de la Cour. Plusieurs conclusions peuvent être…
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La règle de l’épuisement semble de jure s’appliquer aux logiciels. Il peut dès lors être intéressant de savoir si cette notion de “logiciel” a la vocation de s’étendre à d’autres réalités que le simple programme informatique au sens où on l’entend communément. L’exemple du jeu vidéo pourrait, à cet égard, éclairer les paroles de la Cour.

Plusieurs conclusions peuvent être tirées des définitions habituelles données lorsqu’il s’agit de cerner la nature juridique du jeu vidéo (Voyez notamment, http://www.leulier.fr/66-comment-definir-juridiquement-le-jeu-video/ ou http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/francais-aime/Mini-sites/defjeu.htm qui définit le Jeu Vidéo comme un ” programme informatique permettant de jouer seul ou à plusieurs, installé le plus souvent sur une console électronique ou un micro-ordinateur”).
Premièrement, le jeu vidéo doit être légalement analysé comme un programme ou un logiciel informatique. Deuxièmement, celui-ci peut résider sur un support physique ou non. Enfin, il constitue à proprement parler une création artistique et technique. En tant que tel, le jeu vidéo est dès lors visé par plusieurs normes européennes dont les plus pertinentes, en l’espèce, se trouvent être les directives 2001/29/CE du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information et la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, ainsi que leur transposition en droit interne. Bien évidemment, toutes les dispositions de ces directives ne seront pas utilisées dans le cadre de la présente question. En matière de revente de programme informatique, l’interrogation la plus pertinente est probablement de savoir si une telle opération ne viole pas les droits du propriétaire d’origine. Comme on le sait, le droit européen a mis au point un dispositif juridique permettant une plus grande effectivité du principe de circulation des biens et services. Ainsi, l’article 4 de la directive 2001/29 empêche le titulaire d’user de son droit patrimonial de distribution pour bloquer de tels échanges “en cas de de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement”.

A première vue, la législation européenne se montre donc plutôt favorable au développement du commerce de “seconde main”, qu’il concerne les programmes classiques ou les jeux vidéo. Il faudra évidemment, pour les acteurs d’un tel marché, respecter les prescrits légaux et s’assurer que le premier transfert de propriété a bien eu lieu avec le consentement du titulaire du droit. Mais nous entrerions ici dans la problématique du piratage de programmes qui relève d’un autre pan du monde économique et juridique.

La jurisprudence n’est pas en reste sur la question. L’arrêt de la grande chambre UsedSoft c. Oracle International Corp du 3 juillet 2012, a parfaitement illustré que la propriété intellectuelle devait certes être protégée mais ne pouvait pas déraisonnablement entraver la libre circulation des biens dans l’Union. Le paragraphe 62 de la décision est à ce titre révélateur: “[…] il doit être rappelé que l’objectif du principe de l’épuisement du droit de distribution des œuvres protégées par le droit d’auteur est de limiter, afin d’éviter le cloisonnement des marchés, les restrictions à la distribution desdites œuvres à ce qui est nécessaire pour préserver l’objet spécifique de la propriété intellectuelle concernée”. Cet arrêt est également connu pour avoir expressément déclaré que la forme tangible ou intangible du support sur lequel transitait la copie d’un programme informatique importait peu. Ainsi, que la (re)vente du programme se fasse par téléchargement, via Internet ou par la remise matérielle d’un CD-ROM, le même droit est sensé s’appliquer (paragraphes 47 et 55 de l’arrêt). La Cour semble dès lors plutôt encline à autoriser la vente successive d’un jeu vidéo ou d’un programme d’ordinateur. Elle paraît même consacrer la légalité de cette situation en son paragraphe 80 lorsqu’elle écrit que: “[…] il y a lieu de considérer que le deuxième acquéreur de cette copie, ainsi que tout acquéreur ultérieur, constitue un acquéreur légitime de celle-ci, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 “.

Certes, envisager l’exception de l’épuisement comme pouvant profiter à d’autres fichiers numériques que les programmes d’ordinateur (ludiques ou non) pourrait sembler s’écarter de la leçon donnée par l’arrêt. Mais, à notre avis, il serait nécessaire de ne pas s’attacher uniquement à la Lettre du texte, mais également à son Esprit. En relisant le paragraphe 62 précédemment cité, on s’aperçoit que la Cour enjoint le législateur national de poursuivre un but d’intérêt général. On ne voit pas très bien quel serait l’avantage de limiter cette exception de l’épuisement au domaine des seuls programmes d’ordinateur, dès l’instant où l’objet spécifique du droit intellectuel serait protégé. Il ne sera pas forcément aisé de trouver dans chaque cas d’espèce si cet “objet spécifique” est effectivement à l’abri des atteintes extérieures, mais priver l’exception d’effet pour le seul motif que cette opération pourrait être délicate ne nous semble pas opportun. Il conviendra aux juristes ainsi qu’à la Cour, de préciser ce qu’elle entend par ces termes et de quelle manière les acteurs de ce marché pourraient s’assurer de la libre circulation effective des biens sans toutefois léser les titulaires de droits.

Concernant les programmes d’ordinateur, la question paraît réglée. En effet, la loi et la jurisprudence européenne autorise un tel commerce. De surcroît, les magasins spécialisés de même que les particuliers n’ont pas attendu ces démêlés judiciaires pour de pratiquer ardemment la vente de jeux et programmes dits “d’occasion”. Toutefois, cette liberté première semble peu à peu disparaître depuis quelques années. Les éditeurs de jeux comme de logiciels voient évidemment d’un mauvais œil cette manne financière leur échapper. Car chaque exemplaire revendu sans passer par la filière classique pourrait être vu comme un manque à gagner. On pourrait penser que les maisons d’édition s’enrichissent déjà suffisamment par la vente de produits “neufs”. Et on aurait raison. D’après une étude réalisée en France en 2013, le seul marché du jeu vidéo représentait 2,7 milliard d’euro (http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/les-10-chiffres-cles-du-jeu-video-en-france-en-2013_1492915.html).
Cependant, l”un des arguments récurrents des producteurs et des éditeurs est que le marché de l’occasion grève dangereusement les bénéfices qu’ils réalisent. Ils mettent également en avant que moins d’argent pour les studios signifie une prise de risque moins importante et une qualité des programmes consécutivement moins séduisante (Voyez sur le sujet un intéressant reportage à l’adresse suivante: http://www.jeuxvideo.com/reportages-videos-jeux/0000/00000000/la-fin-des-jeux-d-occasion-00001010.htm). Le débat sur ce point reste ouvert.

Quelle autre réponse le droit européen a-t-il apporté à ce sujet? De manière assez surprenante, alors que la Cour de Justice de l’Union Européenne ne cesse de proclamer haut et fort qu’elle souhaite promouvoir la liberté de circulation et le commerce européen, certaines de ses décisions engendrent l’effet opposé. En matière de protection technique, la Cour a eu l’occasion de se prononcer dans le récent arrêt Nintendo Co. Ltd c. PC Box Srl. du 23 janvier 2014. Il s’agissait alors de déterminer ce que l’article 6 de la directive 2001/29 entendait par “mesure technique de protection”. Les paragraphes 19 et suivants de l’arrêt ont apporté une réponse claire: “Ladite protection juridique est accordée uniquement à l’égard des mesures techniques qui poursuivent l’objectif d’empêcher ou d’éliminer, en ce qui concerne les œuvres, les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur […]”. L’arrêt ajoute, en son paragraphe 37 que : “la directive 2001/29 doit être interprétée en ce sens que le notion de mesure technique efficace […] est susceptible de recouvrir des mesures techniques consistant principalement à équiper d’un dispositif de reconnaissance non seulement le support contenant l’œuvre protégée […] mais également les appareils portables ou les consoles destinées à assurer l’accès à ces jeux et leur utilisation”. Par cet arrêt déroutant, la Cour semble consacrer la pratique déjà fortement répandue des mesures techniques de protection insérées dans les œuvres numériques ou les supports nécessaires à leur utilisation. On pourrait avancer que la solution est heureuse quand elle vise effectivement à protéger les titulaires du droit d’auteur face à des actes de copies illicites. Mais ce serait oublier un peu vite que, par le même biais, ces mécanismes anéantissent purement et simplement le marché de l’occasion. En cause, le fait que ces mesures techniques verrouillent solidement l’accès aux contenus et ne permettent qu’à l’acheteur originel de bénéficier du produit qu’il achète. Toute revente successive devenant ainsi matériellement impossible, dès lors que les consommateurs tentant d’outrepasser ces protections versent inévitablement dans l’illégalité.

En conclusion, et malgré la volonté très clairement affichée des consommateurs et des enseignes de vente de mettre un terme à la conjoncture actuelle, la réalité technique nous montre que le problème est loin d’être résolu. C’est dès lors la possibilité pour les amateurs d’acheter des produits de qualité à un prix abordable et la perspective de profits bienvenus pour les boutiques de seconde main qui passent aux oubliettes. Il n’existe que deux acteurs capables de solutionner cette impasse.
D’un côté, la Cour de Justice pourrait revenir sur sa jurisprudence en prévoyant explicitement que les mesures techniques de protection insérées par les titulaires du droit d’auteur ne pourraient avoir pour effet de détruire toute possibilité de revente. Mais si l’on veut être réaliste, on devinera sans peine qu’un tel revirement demandera non seulement du temps, mais aussi la création de modèles techniques aptes à répondre à de telles attentes.
De l’autre côté, les éditeurs et producteurs de programmes pourraient déposer les armes, comme certains sont prêts à le faire. Il est parfois difficile pour le public, tout comme pour les spécialistes de ces médias, de comprendre d’où peut provenir la haine des créateurs de logiciels pour le marché de l’occasion. Ce constat est d’autant plus étrange quand l’on sait que plusieurs études laissent deviner qu’à l’inverse d’être un frein pour la vente de jeux neufs, les divertissements de seconde main sont un redoutable moteur pour l’économie vidéo-ludique (Voyez notamment l’article suivant qui montre les effets néfastes que la disparition du marché de l’occasion pourrait provoquer http://www.numerama.com/magazine/26142-la-fin-du-jeu-video-d-occasion-serait-nefaste-pour-l-industrie.html).

Ces nombreux obstacles à la revente de contenus numériques ne seront probablement surmontés que dans plusieurs années. Les consommateurs peuvent toutefois s’inquiéter du fait que la digitalisation grandissante de ces médias et la proportion de plus en en plus importante de contenus disponibles uniquement par téléchargement contrôlé ne font que compliquer la survivance du marché de l’occasion.

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gilles feryn
A notre sens, l'arrêt UsedSoft s'applique à la règle d'épuisement des fichiers numériques. Les copies numériques de fichiers musicaux le sont également, ils rentrent donc dans le champ d'application de la décision. Le terme de logiciel semble devoir être compris dans un sens large, incluant ainsi les jeux vidéo et autres formes d'applications afin de garantir une protection la plus efficiente…
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A notre sens, l’arrêt UsedSoft s’applique à la règle d’épuisement des fichiers numériques. Les copies numériques de fichiers musicaux le sont également, ils rentrent donc dans le champ d’application de la décision.

Le terme de logiciel semble devoir être compris dans un sens large, incluant ainsi les jeux vidéo et autres formes d’applications afin de garantir une protection la plus efficiente possible. Ils semblent donc pouvoir être considérés comme des logiciels.

La nouvelle technologie de ReDigi ne semble pas assez efficace pour garantir la licéité de la revente en ligne de fichiers audio ou de textes licitement acquis. En effet, comme il a été précisé, le système ne permet pas de garantir à 100% que le fichier original a été détruit. De plus l’expression de seconde main est difficilement concevable lorsque nous parlons de produits immatériels. Cela ressemble plus à une reproduction qu’à une distribution.

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Alice Demazy
La première question nous pousse à nous interroger sur la portée à accorder à l’arrêt UsedSoft. Il convient en effet de savoir si lex specialis définie par la Cour de Justice est applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques. Tout d’abord, nous relevons que les questions…
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La première question nous pousse à nous interroger sur la portée à accorder à l’arrêt UsedSoft. Il convient en effet de savoir si lex specialis définie par la Cour de Justice est applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques. Tout d’abord, nous relevons que les questions préjudicielles posées (considérant 34) circonscrivent la portée de l’arrêt aux logiciels d’ordinateur. Ensuite, l’arrêt base une partie de son argumentation sur la directive 2001/29. Le condisérant 46 de l’arrêt Usedsoft précise en effet que cette directive voit à s’appliquer « spécifiquement [à] la protection juridique des programmes d’ordinateur ». Enfin, rappelons que, lorsqu’un droit d’auteur est en jeu, « la question de l’épuisement du droit ne se pose pas dans le cas des services, en particulier lorsqu’il s’agit de services en ligne » (Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, J.O.U.E., L 167, du 22 avril juin 2001, p. 0010, considérant 29). On ne peut dès lors pas considérer qu’il y a un épuisement du droit lorsqu’il y a une première vente sur Internet. Ce qui est également intéressant de relever, c’est que l’arrêt UsedSoft parle uniquement de droit de reproduction mais n’évoque à aucun moment le droit de communication propre au droit d’auteur. Il faut dès lors considérer, surtout au regard de ce dernière élément, qu’on ne peut étendre la lex spécialis définie par l’arrêt à des fichiers numériques tels que des MP3 musicaux ou des ebooks.

En estimant que l’arrêt UsedSoft ne vise que les logiciels, la question est de savoir si, sur cette base, les jeux-vidéos et les applications distribués en ligne peuvent se voir appliquer cette règle de l’épuisement. Notre résonnement trouve sa source dans l’arrêt BSA. Il ressort de cet arrêt que l’interface graphique « ne constitue pas une forme d’expression de programme d’ordinateur ». Logiquement, la Cour précise que « la radiodiffusion télévisuelle de l’interface utilisateur graphique ne constitue pas une communication au public d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ». On admet néanmoins que cette interface soit protégée par le droit d’auteur « si cette interface constitue une création intellectuelle propre à son auteur ». La Cour de cassation française va dans le même sens et estime qu’« un jeu vidéo est une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature » (Cass. 1ère civ., 25 juin 2009, Cryo et Jean-Martial L. c/ SESAM, SACEM et SDRM, RLDI, 2009, 52, n° spécial “jeu vidéo et multimédia”, pp.87 et s., RTD Com. 2010, p.319, note P. Gaudrat). Il apparait très clairement qu’un jeu-vidéo ou une application en ligne ne peuvent se voir appliquer la jurisprudence UsedSoft.

Les quelques développements précédents nous permettent de revenir sur l’affaire ReDigi. Cette jurisprudence pose la question de la revente légale de fichiers MP3. Suite à la décision rendue par la Justice américaine condamnant la firme ReDigi, cette société a décidé de mettre en place une nouvelle technologie. Désormais, les fichiers sont directement transférés de l’acquéreur initial vers le nouvel acquéreur. Au surplus, la société détruit la copie obtenue par le propriétaire originel. De cette manière, aucune copie intermédiaire ne serait nécessaire pour effectuer la vente. C’est l’installation obligatoire d’une application de ReDigi par l’utilisateur qui permet la mise en place de ce système. A notre sens, un tel mécanisme ne résout pas réellement les problèmes posés préalablement. La nouvelle technologie ne règle effectivement pas de manière sure le problème afférant à la copie. A l’heure actuelle, on est pas certain de la qualité du contrôle quant à la réalisation de copie ou à la suppression de l’exemplaire original. Dès lors, force est de constater que les problèmes préalablement développés se posent à nouveau. Il est également à noter qu’une certaine jurisprudence se développe en Allemagne. Cette dernière estime que le support numérique n’épuise pas le droit d’auteur et qu’il faut par conséquent obtenir l’autorisation de l’auteur pour procéder à sa vente. Avec une telle approche, le procédé mis en place par ReDigi ne résoudrait aucunement le problème afférent au droit d’auteur.

De manière plus large, il sera intéressant de voir la position que l’Union européenne choisira de prendre face à ces nouveaux enjeux.

Sources :

http://www.cnetfrance.fr/news/la-revente-d-ebooks-d-occasion-interdite-en-allemagne-39789731.htm

http://www.cnetfrance.fr/news/la-revente-d-ebooks-d-occasion-interdite-en-allemagne-39789731.htm

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Timmermans Eléonore
-Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Dans l’arrêt Usedsoft, Oracle transmet, selon la Cour, un droit de propriété du la copie du programme d’ordinateur lorsque l’acquéreur télécharge une copie…
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-Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Dans l’arrêt Usedsoft, Oracle transmet, selon la Cour, un droit de propriété du la copie du programme d’ordinateur lorsque l’acquéreur télécharge une copie du programme et conclut un contrat de licence lui donnant le droit d’utilisation de cette copie, pour une durée illimité, moyennant un prix destiné à rémunérer le titulaire du droit d’auteur. La règle de l’épuisement s’applique donc, en effet : « L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doit être interprété en ce sens que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit, qui a autorisé le téléchargement de cette copie sur un support informatique à partir d’Internet, a également conféré à titre onéreux un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de temps. En effet, constitue une vente, au sens de cette disposition, toute mise à disposition dans l’Union, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, d’une copie d’un programme d’ordinateur en vue de son utilisation pendant une période illimitée et moyennant le paiement d’un prix forfaitaire ». La Cour précise que «même si le contrat de licence interdit une cession ultérieure, le titulaire du droit ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie». (http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2012/07/04/01007-20120704ARTFIG00454-la-revente-de-licences-logicielles-est-legale.php )
La vente d’une copie est donc autorisée, si le programme a été acheté avec une licence permettant la copie. Ce qui n’est pas clair pour moi là dedans, c’est que le premier acheteur du programme peut en faire la copie et la vendre, par contre celui qui lui achète par ce biais ne peut faire de même, si je comprends bien la partie de l’arrêt qui stipule que : « Les articles 4, paragraphe 2, et 5, paragraphe 1, de la directive 2009/24 doivent être interprétés en ce sens que, en cas de revente du droit d’usage de la copie d’un programme d’ordinateur, le second acquéreur ne peut se prévaloir de l’épuisement du droit de distribution de cette copie pour procéder à la reproduction du programme en créant une nouvelle copie, quand bien même le premier acquéreur aurait effacé la sienne ou ne l’utiliserait plus.» La Cour met toutefois en avant deux conditions pour que la revente de ces copies dont le droit de distribution est épuisé soit valable. Premièrement, l’acquéreur initial doit rendre inutilisable sa copie (point 70), sous peine de violer le droit exclusif à la reproduction de la copie en question. Deuxièmement, il est interdit de scinder la revente d’une copie qui serait valable pour plusieurs personnes (point 69). En pratique, il est évident qu’il ne sera pas facile pour le titulaire des droits d’auteurs de vérifier si l’acquéreur initial n’a pas créé des copies du programme d’ordinateur qu’il continuerait à utiliser après avoir vendu son support matériel.
Cependant, la Cour parle de programme informatique, et non de fichiers musicaux. Il faut donc rester prudents. Notons que dans les conditions générales d’iTunes, il y a la phrase suivante : « You shall be authorized to use iTunes Products only for personal, noncommercial use », or le fait de revendre un fichier musical est un acte commercial. Redigi invoque la règle de l’épuisement, cependant celle-ci s’applique aux biens physiques, et aux programme d’ordinateur , mais la Cour ne s’est pas prononcée sur les fichiers musicaux. On pourrait cependant conclure que la règle de l’épuisement s’applique aussi aux fichiers numériques par analogie. Il serait temps que le législateur stipule sur l’épuisement des biens dématérialisés, pour que chacun sache à quoi s’en tenir.

-Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09).
Redigi ne distribue pas le matériel en lui-même mais une reproduction de celui-ci, or l’épuisement ne s’applique qu’à l’objet lui-même, et non aux copies faites de celui-ci. Une licence du droit de copier doit être accordée par l’auteur du matériel. Redigi viole des droits d’auteur de Capitol.
« En informatique, un logiciel est un ensemble de séquences d’instructions interprétables par une machine et d’un jeu de donnéesnécessaire à ces opérations. Le logiciel détermine donc les tâches qui peuvent-être effectuées par la machine, ordonne son fonctionnement et lui procure ainsi son utilité fonctionnelle. Les séquences d’instructions appelées programmes ainsi que les données du logiciel sont ordinairement structurés en fichiers ». (http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel)
« Un fichier informatique est au sens commun, une collection d’informations numériques réunies sous un même nom, enregistrées sur un support de stockage tel qu’un disque dur, un CD-ROM, ou une bande magnétique, et manipulées comme une unité ». (http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier_informatique) Au regard de ces définitions, je pense qu’il n’y a pas de raison de traiter différemment des logiciels que des fichiers musicaux. Si la revente de logiciels est autorisée, celle de fichiers musicaux doit l’être aussi, car rien ne justifie cette différence de traitement
-Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?
Les producteurs de logiciels doivent être encouragés à produire, et donc pour cela être rémunérés. Or, beaucoup de logiciels sont piratés (c’est-à-dire que des copies livrées illégalement en sont faites), et cela fait baisser les ventes et donc la rentabilité (http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel). Il appartient donc au législateur de faire en sorte que ce genre de copies soit évité.
Je ne pense pas que la règle de l’épuisement s’applique aux programmes immatériels. En effet, aucun support tangible, apportant une preuve que celui qui a acquis le bien et le revend se dessaisit complètement de celui-ci. Il se peut que le premier acheteur du « bien » en ait fait une copie préalable, transportée sur un autre appareil. En effet, une musique téléchargée sur Itunes par exemple, est faite pour être transférée sur un Ipod, elle peut donc disparaître d’Itunes et de l’ordinateur, mais toujours être présente sur l’Ipod. Celui qui vend le morceau ne s’en dessaisit donc pas. Le système proposé par ReDigi, assurant soit disant la disparition du bien vendu, n’est donc pas sûr, car non vérifiable en pratique. De plus, je vais dans le sens de la District Court of New- York, qui explique que ce n’est pas le bien initialement acheté qui est vendu, mais une copie de celui-ci. Pour ma part je pense que la règle de l’épuisement ne devrait valoir que pour les biens matériaux, car on ne peut facilement copier ceux-ci, et donc violer les droits d’auteur du producteur.

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Pochet Nicolas
L'arrêt UsedSoft me semble définir une lex specialis applicable uniquement aux programmes d'ordinateur. Comme l'a relevé la Cour, la requalification du contrat de licence en contrat de vente emporte qu'il n'existe pas de droit de communication au public, et partant, il y a épuisement. Mais quid d'autres fichiers numériques? La lex specialis définit dans l'arrêt UsedSoft se base sur la…
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L’arrêt UsedSoft me semble définir une lex specialis applicable uniquement aux programmes d’ordinateur. Comme l’a relevé la Cour, la requalification du contrat de licence en contrat de vente emporte qu’il n’existe pas de droit de communication au public, et partant, il y a épuisement.
Mais quid d’autres fichiers numériques? La lex specialis définit dans l’arrêt UsedSoft se base sur la directive 2009/24 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur. Le considérant 7 de cette directive définit le programme d’ordinateur comme: “Aux fins de la présente directive, les termes «programme d’ordinateur» visent les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel”.
Cette lex specialis ne concerne pas les types de fichiers comme les fichiers MP3, les e-books, etc. Il conviendrait donc de considérer pour ce types de fichiers que la directive 2001/29 s’y appliquent toujours; que cette directive confère un droit de communication au public aux détenteurs des droits de propriété intellectuelle des oeuvres, et qu’il n’y a donc pas épuisement. La jurisprudence UsedSoft n’est applicable qu’aux seuls logiciels.

Toutefois ce types de fichiers est encore différent des jeux-vidéos ou des apps. Avant d’aller plus loin, il convient d’éclaircir deux points: nous parlons ici des jeux ou des apps qu’il faut télécharger; les jeux vidéos “en flash” sur internet, ou les sites qui rendraient des services comparables à des applications ne sont pas concernés. De même, il importe peu que les jeux ou les applications soient gratuites ou non; une application peut être gratuite mais tout de même apporter une rémunération à son auteur, via la publicité par exemple.
Ce type de fichier-ci peut être considéré comme un programme d’ordinateur. Par conséquent, il est possible que l’arrêt UsedSoft s’applique à ceux-ci. Et emportera donc épuisement du droit en cas de revente. A condition toutefois de respecter le precrit de cet arrêt: vente des fichiers (on se réferera à l’approche économique du juge §45-49), à l’indifférence quant à une vente sur support physique ou via internet (§63), il faut que la copie initiale soit supprimée (§70), etc.

Enfin, la nouvelle technique de ReDigi par “transaction atomique”, si elle réalise véritablement ce qu’elle annonce (à savoir une transaction avec destruction du fichier original) pourrait permettre l’épuisement me semble-t-il.
Toutefois, la règle de l’épuisement elle-même est peut-être à repenser, dans le cadre plus large d’internet et de la propriété intellectuelle, car internet vient rendre obsolète la plupart des règles qui datent d’avant son apparition, comme celle de l’épuisement par exemple.

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Myriam Balde  
1) Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)? Afin de répondre à cette question, un tour d’horizon des jurisprudences américaine et communautaire s’impose. Dans l’arrêt Capital Records c. ReDigi, le juge américain…
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1) Faut-il considérer l’arrêt UsedSoft comme définissant une lex specialis applicable aux seuls logiciels ou, au contraire, considérer que la même règle de l’épuisement est applicable à d’autres fichiers numériques (par ex. des MP3 musicaux ou des ebooks)?

Afin de répondre à cette question, un tour d’horizon des jurisprudences américaine et communautaire s’impose.

Dans l’arrêt Capital Records c. ReDigi, le juge américain a été saisi, d’une part, de la question de savoir si, et dans quelle mesure, le droit de distribution du titulaire du droit d’auteur est épuisé lors de la première vente de la copie d’un fichier mp3, et d’autre part, de la question de savoir si les copies des fichiers mp3 réalisées dans le cadre d’une revente d’occasion peuvent se voir appliquer l’exception de « fair use », permettant certains usages non autorisés par le titulaire du droit d’auteur.

En l’espèce, ReDigi, une jeune entreprise née en 2011, avait centré son business plan sur la vente d’occasion de fichiers mp3 par des utilisateurs ayant légalement acquis leurs chansons sur une plateforme de téléchargement, au moyen d’un logiciel téléchargé par l’utilisateur ayant pour fonction de sélectionner les fichiers en question sur l’ordinateur de ce dernier.
Capital Records, de son côté, avait alors argumenté que la théorie du first sale (§109 (a) du Copyright Act, 1976) ne s’appliquait point aux supports immatériels, et que les pratiques de ReDigi enfreignaient leur droit d’auteur.
La Cour, dans une approche conservatrice, avait suivi la position du requérant et interprété restrictivement l’étendue de la protection accordée légalement aux droits d’auteur, arguant d’une part, que c ‘était contraire aux conditions générales d’iTunes ne donnant qu’une licence, plutôt qu’un droit de propriété, limitée à l’utilisation personnelle fichiers acquis et non leur revente, et d’autre part, que le système mis en place par ReDigi ne transférait pas le fichier directement du disque dur du revendeur à celui du nouvel acquéreur, mais une simple copie ! La solution ne pouvait donc être assimilée à la revente d’un support matériel tel qu’un CD ou un disque vinyl.

La question de l’épuisement des droits de distribution s’est également posée devant la Cour de justice de l’Union européenne à l’égard de la revente de logiciel informatique. L’affaire opposait Oracle, distributeur de logiciels informatiques disponibles par voie de téléchargement sur leur site internet, et la société UsedSoft, ayant pour objet la vente de licences acquises préalablement par les clients Oracle. La caractéristique de cette commercialisation est que les clients Oracle achetaient non seulement une licence pour l’utilisation des logiciels, mais également, par le biais d’un contrat de maintenance, pour obtenir le droit de télécharger les mises à jour du logiciel. A ce titre, la Cour de justice a conduit une interprétation autonome et extensive de la notion de « vente » contenue à l’article 4, §2 de la directive 2009/24, disposant que « le client d’oracle, qui télécharge la copie du programme d’ordinateur concerné et qui conclut avec cette société un contrat de licence d’utilisation portant sur ladite copie, reçoit moyennant le paiement d’un prix, un droit d’utilisation de cette copie d’une durée illimitée » (n°45). La Cour conclut de ce raisonnement que la licence donnée par Oracle est en réalité un transfert de propriété qui, à ce titre, justifie l’épuisement des droits y relatifs. Elle rajoute que la nature du support du logiciel, matérielle ou immatérielle, est indifférente, tirant son argument du libellé du considérant n°7 de la directive précitée selon lequel la directive vise « les programmes sous quelque forme que ce soit » (n°57). Elle prive ainsi de tout effet les clauses d’incessibilité prévues par le contrat de licence d’Oracle.

Mais comment aurait réagit la Cour de justice si elle avait été confrontée au litige opposant ReDigi et Capitol Records ? Aurait-elle adopté un raisonnement différent de celui adopté dans l’affaire Oracle c. UsedSoft ?
La question n’est pas aisée, et il semblerait que les deux positions soient défendables ;

Arguments en faveur :
– La Cour semble avoir fait une interprétation téléologique de la directive 2001/29, en conférant une interprétation autonome et particulièrement extensive à la notion de « vente », voulant donner un effet utile au droit d’auteur communautaire (c’est du moins ce que le recours aux considérants, et donc à la ratio legis de la directive, laisse supposer). La Cour souligne ainsi l’importance de la question finalement centrale de l’affaire, à savoir le degré d’importance qu’occupe l’interdiction de revente au sein du droit (d’auteur) communautaire : « il doit être rappelé que l’objectif du principe de l’épuisement du droit de distribution des œuvres protégées par le droit d’auteur est de limiter, afin d’éviter le cloisonnement des marchés, les restrictions à la distribution desdites œuvres à ce qui est nécessaire pour préserver l’objet spécifique de la propriété intellectuelle concernée ». La Cour en appelle ainsi au principe de proportionnalité, laissant ainsi une marge d’appréciation au juge pour déterminer si l’interdiction de revente de fichiers mp3 ou de e-books encouragerait ou non le cloisonnement des marchés;
– La Cour, contrairement au juge américain, ne fait point de distinction entre la vente d’un support immatériel ou matériel.

Arguments défavorables:
– La Cour précise à maintes reprises que la directive 2001/24 est une lex specialis par rapport à la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, et ne vise que les logiciels informatiques ; On peut tirer de là un argument de texte, visant à dire que la Cour a elle-même, par prudence, souhaité restreindre le champ d’application de son arrêt aux seuls logiciels informatiques, laissant ainsi la porte ouverte à la possibilité d’une jurisprudence plus nuancée et moins englobante dans le futur, à l’égard de questions particulières telles que celle des fichiers mp3.
– Les conditions générales d’iTunes prévoyant une clause d’incessibilité. Toutefois, il s’agirait là de faire une analyse précise des conditions iTunes afin de déterminer si celles-ci peuvent être écartées sur la même base que celle d’Oracle (à savoir que la licence s’apparente à un transfert de propriété) ou si, au contraire, celles-ci sont bien caractéristiques d’une licence. Toutefois, il est important de se rendre compte qu’en écartant ainsi la loi des parties, il est certain que la Cour a créé une insécurité juridique considérable quand à la validité ou non des clauses d’incessibilité contenues dans les contrats de licence, tant pour les logiciels que, maintenant, pour les plateformes de téléchargement.
– Enfin, sur une note moins juridique, il faut noter que les fichiers mp3 et e-books ne perdent pas de leur valeur économique par l’écoulement du temps, contrairement aux logiciels informatiques qui nécessitent des mises à jours régulières sous peine de devenir obsolètes.

http://www.august-debouzy.com/sites/www.august-debouzy.com/files/RLDI%20n°Octobre%202013.pdf; http://www.legavox.fr/blog/mr-labyod/vers-encadrement-legal-revente-fichiers-11529.htm#.U2UKF_1_BPN; http://junon.univ-cezanne.fr/u3iredic/?p=9462

2) Ensuite, si l’on conclut que la jurisprudence UsedSoft est applicable aux seuls logiciels, cela vaut-il pour des jeux-vidéos ou des ‘apps’ distribués en ligne? La réponse oblige à s’interroger sur la notion de logiciel et à revenir sur un autre arrêt de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt dit BSA ou BeSoft (22 déc. 2010, C-393/09)

Cette question est également délicate. Dans l’arrêt BSA, la Cour de justice a été amenée, entre autre, à interpréter la notion de «toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur» disposée dans la directive 91/250/CEE sur la protection juridique des programmes d’ordinateur, afin de déterminer si celle-ci englobait l’interface graphique, l’expression graphique du programme d’ordinateur.
Se référant à plusieurs sources telles que l’article 10, §1 de l’accord ADPIC qui prévoit la protection des codes objet et source en tant que qu’œuvres littéraires (et non expressément les expressions graphiques), les conclusions de l’avocat général et les 10e et 11e considérants de la directive susmentionnée, la Cour déduit que les interfaces graphiques ne peuvent être protégées par la directive, en ce qu’elles ne constituent qu’une partie intégrante du programme et non le programme lui même. Pour pouvoir se prévaloir de la protection, il aurait fallu que la reproduction de l’expression graphique engendre la reproduction du programme d’ordinateur lui-même. En d’autres termes (certes un peu maladroits), la Cour établit ainsi une sorte de « test de traduction» ( langage de programmation) à appliquer à toute forme d’expression litigieuse : si, une fois « traduite », la forme d’expression recouvre entièrement le programme lui-même, et vice versa, l’on peut supposer que celle-ci puisse être protégée. Notons que les jurisprudences anglaise (John Richardson Computer v. Flanders) et française (Cass. Civ. 1ere 13 décembre 2005) ont auparavant adopté des postions similaires.

Quid alors de la nature des jeux vidéo ou des applications ? Il semblerait que deux approches soient possibles : d’une part, une approche unitaire de la conception du jeu vidéo et applications, basée sur le fait que ces derniers ne peuvent exister sans le logiciel qui est à leur base, et d’autre part, une approche strictement composite, où il s’agirait de « dépecer » le tout que forme le jeu ou l’application, afin d’appliquer à chacune de leurs parties un régime propre.
Si l’on suit la première approche (déjà suivie par la Cour de cassation française dans un arrêt du 21 juin 2000), le jeu vidéo devrait pouvoir être protégé par la protection accordée aux logiciels, et l’on pourrait dès lors appliquer par analogie l’arrêt UsedSoft de la Cour de justice quand à la question de l’épuisement des droits de distribution . Dans le cas contraire, et au regard des développement qui précèdent (point 1), ce serait déjà nettement plus discutable.

3) Enfin, pensez-vous que la nouvelle technologie proposée par ReDigi permet de toute manière de considérer comme licite la revente en ligne de fichiers audio ou texte licitement acquis?

Bien que la question soit toujours discutable, il semblerait qu’une réponse plus tranchée puisse être apportée.
En effet, bien que ReDigi demande à ses utilisateurs télécharger un logiciel de sélection destiné à donner un effet utile au mécanisme du cloud, la technique n’est pas forcément sécurisée puisque ce logiciel peut être piraté par des experts en la matière. Dans l’hypothèse où un tel logiciel serait piraté, une vague de contrefaçon énorme et non mesurable pourrait avoir lieu.
Par ailleurs, on peut se demander si le contrat conclu par le premier acquéreur et la plateforme de téléchargement est réellement opposable au nouvel acquéreur. En effet, même dans l’hypothèse où la doctrine ou la jurisprudence parviendraient à considérer que le contrat en question opère en réalité un transfert de propriété sur la base de l’invalidité de la clause d’incessibilité, il reste que le contrat trouve sa cause dans la rémunération représentant la valeur économique du bien transféré. Or dans l’hypothèse d’une vente d’occasion, le nouvel acquéreur reçoit les mêmes droits que l’acquéreur initial, sur un bien qui ne peut pourtant se détériorer par l’écoulement du temps, et ce moyennant un prix moindre auquel la plateforme de téléchargement n’a point consenti. Cela suscite évidemment des questions au regard du droit de la concurrence.

En conclusion, bien que l’arrêt UsedSoft soit louable au regard des principes économiques fondamentaux du droit communautaire, il ouvre cependant la porte à une grande insécurité juridique et pose problème au regard du droit de la concurrence.

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