Comments for Le piratage n’est pas toujours du vol, nous dit Axel Gosseries

Alain THILMANY
Comme le souligne cet article, le piratage ne doit pas être entendu comme un vol au sens purement juridique étant donné que le terme « vol » sous-entend la soustraction d'un objet. Toutefois, si l'on fait une interprétation plus large, le piratage peu être considéré comme un vol. En effet, le pirate, d'une certaine façon, soustrait à l'auteur d'un bien…
Read more

Comme le souligne cet article, le piratage ne doit pas être entendu comme un vol au sens purement juridique étant donné que le terme « vol » sous-entend la soustraction d’un objet. Toutefois, si l’on fait une interprétation plus large, le piratage peu être considéré comme un vol. En effet, le pirate, d’une certaine façon, soustrait à l’auteur d’un bien intellectuel une quelconque rémunération dont il aurait pu jouir.

Du reste, malgré que l’idée d’Axel Gosseries parte d’un bon sentiment – puisque le but serait de justifier qu’en cas d’insolvabilité, un malade ou un pauvre puisse jouir d’un bien illicite qui puisse le guérir ou au moins améliorer sa situation – elle doit être, à mon sens, exclue. Effectivement, offrir une telle possibilité reviendrait à encourager la population à l’utilisation de produits factice ou pire, encourager à utiliser l’insolvabilité comme une cause d’excuse et mènerait, probablement, à toutes sortes d’abus. Par ailleurs, une telle possibilité soulèverait d’importants problèmes liés au principe d’égalité et de proportionnalité.

Pour conclure il s’agit de se poser la question suivante: a-t-on réellement besoin, dans nôtre société moderne actuelle, d’autoriser une ingérence au droits intellectuels pour combattre la pauvreté ou, à tout le moins, défendre les plus démunis ? A mon avis, il faut répondre à cette question par la négative. Il serait préférable de chercher d’autres solutions aux problèmes soulevés par l’auteur. De plus en plus d’aide aux pauvres et aux malades existent dans nôtre pays, ne serait-il pas plus simple, par exemple, de subventionner de telles infrastructures plutôt que d’ouvrir la possibilité à des abus sur les droits intellectuels ? Oui à l’aide aux personnes qui sont dans le besoin, mais pas sous n’importe quel prétexte.

Show less
Reply
Camila Martinez
Je voudrais relever tout d'abord un point de la réflexion d'Axel Gosseries et revenir ensuite à un point de vue plus personnel et global. J'ai trouvé, comme l'a commenté "Koche C", que la troisième étape du raisonnement de l'auteur peut en effet être étendue non seulement aux personnes qui n'ont pas de pouvoir d'achat mais aussi, de façon logique, à celle…
Read more

Je voudrais relever tout d’abord un point de la réflexion d’Axel Gosseries et revenir ensuite à un point de vue plus personnel et global.
J’ai trouvé, comme l’a commenté “Koche C”, que la troisième étape du raisonnement de l’auteur peut en effet être étendue non seulement aux personnes qui n’ont pas de pouvoir d’achat mais aussi, de façon logique, à celle qui n’ont pas l’intention d’acheter. En effet, le propriétaire originel ne subirait aucun manque à gagner et au mieux profitera de la diffusion de sa création en termes de popularité. Ce qui me pousse à avoir un avis assez ouvert quant à l’accès gratuit de productions intellectuelles est fortement lié à ce point de vue personnel dont je parlais plus haut.
Il est logique de raisonner en se disant “pauvre artiste, il a travaillé si dur, il mérite d’en tirer se passe pas de cette façon dans la réalité. Que ce soit dans les milieux littéraire, musical ou audiovisuel, la partie touchée par l’auteur est sans doute infime comparée à celle touchée par la maison d’édition, de production etc. Ces grands organismes sont de diverses échelles certes, mais sont souvent dotés de beaucoup de moyens et de pouvoir. Là je m’étends notamment au niveau pharmaceutique. Je pense dès lors que le piratage, que ce soit du vol ou pas au sens juridique (et soit dit en passant ca ne l’est visiblement pas), devrait être considéré d’un point de vue plus éthique et morale.

Show less
Reply
Hervé DE RIJCK
Cet article ouvre un débat (très) vaste sur le piratage, et tendrait à légitimer une pratique qui reste, aux yeux de nombre d'entre nous, illégitime. Néanmoins, et l'auteur a raison sur ce point, il s'agit avant tout d'une question avec une forte connotation économique dans la mesure où on devrait s'interroger sur les motifs qui poussent les gens à agir…
Read more

Cet article ouvre un débat (très) vaste sur le piratage, et tendrait à légitimer une pratique qui reste, aux yeux de nombre d’entre nous, illégitime.
Néanmoins, et l’auteur a raison sur ce point, il s’agit avant tout d’une question avec une forte connotation économique dans la mesure où on devrait s’interroger sur les motifs qui poussent les gens à agir de la sorte. Il est certain que des prix prohibitifs répugnent une part non-négligeable de personnes à payer alors qu’avec 2 ou 3 clics on peut se procurer la même chose gratuitement.

Pour en revenir à la notion de vol elle-même, force est de constater qu’à la lecture de l’article 461 du Code pénal on a du mal à retrouver les éléments constitutifs de cette infraction, du moins sur le plan matériel, vu qu’on a du mal à imaginer la “soustraction frauduleuse” qui empêcherait la jouissance, par le verus domino de sa chose. Cependant, ne faudrait-il pas insister davantage sur l’élément moral, l’intention de la personne se livrant au piratage?
Pour ma part, n’oublions pas qu’avant tout le droit d’auteur, et de manière générale les droits intellectuels, se rapproche du droit civil, notamment du droit de propriété. Ne conviendrait-il pas de prévoir des sanctions civiles appropriées, basées sur un régime proche de celui de la responsabilité civile extracontractuelle?

A nouveau, en se basant sur ces principes émanant du Code civil, on est que frappé de constater l’idéologie ambiante de bourgeoisie propre au début du 19ème siècle: en effet, on constate que seuls les plus nantis peuvent se permettre de payer ce qu’ils désirent, tandis que les autres restent une fois de plus au bord du chemin…

En définitive, pour terminer en termes juridiques, il est difficile de constater la présence d’un vol simple tel qu’entendu par le Code pénal au sens strict, mais pourquoi pas dans un sens plus large et sur base d’un concept “pré-juridique”. Se serait alors oublier un principe cardinal du droit pénal qu’est la lecture et l’interprétation restrictives du texte pénal.

En conclusion, je ne conclurai pas à la présence d’un délit, mais ne pas fixer de limites claires quant à savoir si l’on reste dans son droit me semble léger.

Show less
Reply
Aurélie Jacques
La réflexion d’Axel Gosseries me pose problème sur plusieurs points. Cependant, il est très juste de rappeler que le vol en ses termes juridiques suppose la soustraction d’une chose, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne les biens non rivaux tels que la musique à télécharger. Pourtant, comme l’auteur le dit, cela n’affecte pas le fait que…
Read more

La réflexion d’Axel Gosseries me pose problème sur plusieurs points. Cependant, il est très juste de rappeler que le vol en ses termes juridiques suppose la soustraction d’une chose, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne les biens non rivaux tels que la musique à télécharger. Pourtant, comme l’auteur le dit, cela n’affecte pas le fait que le pirate soit un voleur. A mon sens, un producteur doit être récompensé (c.à.d. rémunéré) pour le travail qu’il a accompli quelque qu’il soit. Dès lors, lorsque le contrefacteur copie le travail, le producteur n’est pas justement rémunéré. Il y a donc bien un vol, puisque qu’il s’approprie un bien qui ne lui appartient pas et cela sans la payer. Ainsi, l’atteinte au droit d’auteur se rapproche du vol, et seule la dénomination juridique n’est pas exacte, ce qui mériterait une correction ou adaptation.

Axel Gosseries continue en faisant une distinction entre les consommateurs qui ne paieraient pas pour le bien alors qu’ils en ont les moyens et ceux qui n’auraient pas de revenus suffisants. Ces derniers seraient, selon l’auteur, disculpés de toute sanction relative au vol avec la justification qu’ils n’auraient pas de revenus suffisants pour se le permettre. Je me permets de réagir quant à cette réflexion, qui, pour moi, relève d’une totale discrimination. En effet, cela supposerait que quelqu’un qui possède des revenus (et peut-être parce qu’il travaille d’autant plus pour les obtenir) serait discriminé quant à celui qui ne possèderait pas le même compte en banque. Cependant, il semble intéressant de se poser la question de pourquoi celui qui aurait moins d’argent pourrait copier une musique de manière illégale sans être sanctionné mais il ne pourrait pas partir du supermarché avec son sac de farine sans le payer. Alors même qu’on a démontré plus haut qu’il s’agissait de vol dans les deux cas. De plus, l’auteur change d’exemple en s’appuyant sur les médicaments piratés, et non plus sur les morceaux de musique. Cette tactique permet d’appuyer sur la conscience du lecteur, afin que celui-ci trouve normal qu’une personne avec de moindres revenus bénéficie de médicaments, alors qu’on serait moins clément si l’on parlait de musique, ce qui n’est pas considéré comme besoin vital. Cependant, cette technique trompeuse n’a pas lieu d’être puisqu’on considèrerait alors qu’une personne pauvre serait disculpée de sanction alors même qu’elle aurait commis le même délit que quelqu’un ayant plus de revenus. Comme on l’a déjà fait justement remarquer dans les commentaires ci-dessous, cela reviendrait à porter atteinte à la prévisibilité juridique. Et le producteur du bien intellectuel serait tout autant dépossédé de sa juste rémunération, mais pas le boulanger puisque la personne au faible revenu serait pourtant obligée de payer son pain. Il y aurait alors une seconde inégalité.

Ensuite, d’un point de vue pratique il serait très difficile d’établir qui a le droit de « voler ». Il faudrait établir une échelle de gradations en fonction des revenus, mais également des allocations. Alors pourquoi ne pas prévoir, dans les allocations, une partie destinée à ces biens ? De plus, en cas de délit, on connaît déjà une gradation concernant les sanctions, et l’amende sera d’autant plus forte pour la personne qui a les moyens de la payer, alors qu’on privilégiera un travail d’intérêt général pour la personne ne sachant pas payer l’amende. Ainsi, il existe certainement des mécanismes plus adaptés et plus équitables, que celui de blanchir une catégorie de personnes d’un délit sous prétexte qu’elles ont un pouvoir d’achat trop faible.

Show less
Reply
Mathilde Dasnoy-Sumell
Peut-on considérer le piratage comme du vol ? Dans son article, Axel Gosseries nous répond en trois étapes que ce n'est pas toujours le cas. Cette conclusion est assez interpelante. Tout d'abord, il faut rappeler que l'article 461 du Code pénal belge énonce ceci : "Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas, est coupable de vol". Il est donc…
Read more

Peut-on considérer le piratage comme du vol ?

Dans son article, Axel Gosseries nous répond en trois étapes que ce n’est pas toujours le cas.
Cette conclusion est assez interpelante.

Tout d’abord, il faut rappeler que l’article 461 du Code pénal belge énonce ceci : “Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas, est coupable de vol”. Il est donc indéniablement vrai que la notion de vol au sens juridique ne peut s’apparenter au piratage.En piratant un fichier, en le copiant, on deviant effectivement le possesseur d’une chose à laquelle on avait “pas droit”. Mais le parallèle avec le vol s’arrête là. La matière du piratage est réglée par une toute autre branche du droit : le droit d’auteur.

Mais devons-nous nous arrêter, dans le cadre de ce débat, à la notion juridique du terme ? Il est clair qu’en droit, sortir de ce cadre serait impossible. Mais en dehors de cela, des considerations morales ne devraient-elles pas être mises en évidence ?
S’il est vrai que certaines notions économiques dans le raisonnement de Axel Gosseries ne sont pas discutables,notemment concernant la non rivalité des biens dont il est question, peuvent-elles pour autant justifier qu’on porte atteinte au droit d’auteur ? De plus, le critère de la capacité à payer comme cause de cette justification ne poserait-il pas trop de difficultés ? Comment évaluer cette capacité avec précision ? En effet, s’il est facile de l’évaluer pour les personnes adultes actives au sein de la société, qu’en est-il de la situation des étudiants qui reçoivent un peu, beaucoup ou pas du tout d’argent de poche de papa et maman? Comment déterminer une échelle de revenus et à qui accorder la gratuité des téléchargements et copiages? Comment assurer un contrôle effectif sur ces téléchargements ? Ce critère ne poserait-il pas un problème de discrimination ? Les personnes plus aisées risquent assurément de ne pas être très contents.

Enfin, ne devrions-nous pas finalement poser toutes ces questions aux personnes qui sont, finalement, les plus concernées par ce débat : les auteurs eux-mêmes. N’ont-ils pas leur mot à dire ?

difficulté de tenir la capacité à payer comme cause de justification d’une atteinte, sont pertinents, merci.

Show less
Reply
Louise Deprez
Pour ma part, je considère que le piratage ne peut pas être automatiquement assimilé à du vol. En effet, le vol soustrait l'objet original alors que le piratage le duplique. Cela renvoi à une distinction fondamentale entre les biens tangibles d'usage exclusif et les biens intangibles qui ne le sont pas. Si quelqu'un me vole mon Ipod, je ne pourrai…
Read more

Pour ma part, je considère que le piratage ne peut pas être automatiquement assimilé à du vol. En effet, le vol soustrait l’objet original alors que le piratage le duplique.
Cela renvoi à une distinction fondamentale entre les biens tangibles d’usage exclusif et les biens intangibles qui ne le sont pas. Si quelqu’un me vole mon Ipod, je ne pourrai plus écouter de musique (bien tangible) alors que si je copie un film, je n’empêche pas pour autant son visionnement (bien intangible).
Le vol consiste à s’approprier le bien d’autrui avec ou sans violence. Or, lors d’un piratage, nous produisons une copie en utilisant notre propre matériel mais sans que l’auteur ne perde une quelconque possession.
En agissant de la sorte, l’auteur peut, il est vrai, perdre une certaine rémunération. Cependant il me paraît important de relativiser ce propos. En effet, nous faisons perdre quotidiennement de l’argent à des individus, lorsque nous cuisinons nous-même le soir au lieu d’aller au restaurant ou lorsque nous nettoyons nous-même notre maison au lieu de payer une femme de ménage, pour ne reprendre que deux exemples simplistes.
La copie est un phénomène normal et naturel de la vie. C’est d’ailleurs l’un des principaux fondements du progrès humain. Le partage à l’ère du numérique accroît l’enrichissement culturel de chacun d’entre nous. Depuis notre plus tendre enfance, nous copions les attitudes et comportements de nos proches et amis. Nous prenons quotidiennement les idées des autres sans pour autant imaginer qu’ils s’en sentiraient abusés. Si nous étions obligés de payer pour tout ce que nous copions, il est indubitable que nous serions tous ruinés en moins d’une journée.

Show less
Reply
Estelle Legros
Axel Gosserie élargit la notion de vol à un principe préjuridique: voler quelqu'un c'est le priver de quelque chose. Pour Gosserie, si l'on considère, dans le cas du piratage, que le bien dont la personne a été privé est le morceau de musique alors ce n'est pas du vol puisqu'il est toujours à disposition. Par contre si le bien est…
Read more

Axel Gosserie élargit la notion de vol à un principe préjuridique: voler quelqu’un c’est le priver de quelque chose. Pour Gosserie, si l’on considère, dans le cas du piratage, que le bien dont la personne a été privé est le morceau de musique alors ce n’est pas du vol puisqu’il est toujours à disposition. Par contre si le bien est le revenu que le musicien aurait touché alors il y a eu vol.
On peut se demander s’il ne serait pas nécessaire de codifier une définition du vol en matière de droit d’auteur.

Là où apparait le problème de cet article, c’est lorsque Gosserie amène le débat sur le vol et le piratage à un autre niveau quand il différencie le pirate riche et le pirate pauvre, ce dernier ne pouvant pas être considéré comme un voleur car de toute façon il n’aurait jamais acheté le bien vu qu’il n’en a pas les moyens. Différencié deux catégories de personnes sur base d’un critère tel que le revenu me semble ne pas être conforme au principe d’égalité qui veut que le critère de différenciation soit objectif.

De plus rien n’indique que le pirate riche aurait acheter le bien en magasin si celui-ci ne pouvait être télécharger. Peut- en conclure que le pirate riche qui télécharge illégalement mais qui n’avait de toute façon pas l’intention d’acheter le bien, peut être assimilé au pirate pauvre et donc ne pas être un voleur? Comment arriver à faire la part des choses dans ce cas?

Enfin, une telle différenciation de traitement pose différentes questions:
comment définir le critère de revenu? A partir de quand une personne pauvre sera-t-elle suffisamment pauvre pour ne plus être considéré comme un voleur? A qui un tel critère d’appréciation sera-t-il laissé?

Show less
Reply
Othman Nadiri  
Ayant lu l'article publié sur la Libre, je n'approuve pas le raisonnement de l'auteur. Tout d'abord, dans sa comparaison entre médicaments pirates et biens intellectuels artistiques piratés. Il est, à mon sens, bien entendu toléré de ne pas condamner l'achat, par un individu gravement atteint par la maladie, d'un médicament contrefait dès lors que le bilan vital de son consommateur…
Read more

Ayant lu l’article publié sur la Libre, je n’approuve pas le raisonnement de l’auteur. Tout d’abord, dans sa comparaison entre médicaments pirates et biens intellectuels artistiques piratés. Il est, à mon sens, bien entendu toléré de ne pas condamner l’achat, par un individu gravement atteint par la maladie, d’un médicament contrefait dès lors que le bilan vital de son consommateur serait en jeu. Une condamnation pour ce genre d’acte qualifié de frauduleux ne peut avoir lieu sans soulever de contestations pour injustice, inhumanité, atteinte à la proportionnalité, impertinence des motifs … En revanche, la “consommation” de musique ne s’apparente en rien à un besoin vital en soi. L’échelle des considérations est en hiatus total, de l’un à l’autre type de bien. Enfin, l’utilisation faite du principe de personnalité des peines visant, en l’espèce, l’absolution d’une catégorie de personnes sous motif que son pouvoir d’achat est nul versus une potentielle condamnation pénale pour vol de ceux dont le pouvoir d’achat permet une consommation régulière semble, dans sa radicalité, méconnaître les principes d’égalité et de non-discrimination des Articles 10 et 11 de la Constitution. Le manque d’argent n’a jamais été une circonstance à ce point atténuante qu’elle mettrait fin aux poursuites et solderait l’affaire d’une grâce ou d’un classement sans suites. Lorsqu’il y a délit, au sens du Code pénal, ce dernier est imputable uniformément à quiconque en serait l’auteur et, ce, pour assurer la sécurité et prévisibilité juridique. En outre, pour déconstruire logiquement la thèse de Gosseries, suffit-il de relever l’aporie suivante : “Comment un quidam dont les revenus ne transcenderaient pas 2$/jour pourrait-il “honnêtement” se payer un ordinateur, une connexion internet et le matériel nécessaire à la diffusion de sa musique? (Ce qui le laverait de tout autre type de poursuites pour travail au noir, vol d’argent ou d’équipements informatiques, activité illégale, …). C’est tout bonnement impossible et la distinction émise dans l’article en est pas moins inepte.

A mon sens, la téléchargement illégal est bien un cas de vol collatéral en ce sens que la soustraction frauduleuse de la chose non rivale ne la fait pas disparaître matériellement du patrimoine de son propriétaire (auteur, in casu), mais fait par contre bien disparaître de son patrimoine la rémunération à laquelle il aurait eu droit pour son travail si cette personne avait un juste titre à la possession du bien intellectuel. Dans tous les cas, et eu égard à l’économie de marché ainsi qu’au capitalisme, tout travail mérite salaire et toute invention se reconnaît par sa capitalisation. Il est rare – mais pas exclu – de trouver aujourd’hui des philanthropes animés par l’amour de l’art, s’investissant entièrement dans leur production et, ce, sans prétendre au moindre revenu. Comment vivre dignement, dès lors? Comment payer le matériel? Les équipes d’ingénieurs du son? Rien n’est gratuit, et dans cette logique est-il naturel que la consommation d’un bien de ce type satisfasse tant son auteur que son consommateur. Nous ne pouvons imaginer, à l’heure actuelle, une société occidentale de libre échange légal puisque la seule manière de se montrer reconnaissant vis-à-vis de quelqu’un d’étranger, aujourd’hui, ne peut se faire que par la monétarisation. Les artistes ont, par ailleurs, un incitant à créer davantage lorsqu’ils perçoivent la contrepartie de leur travail. C’est pervers, mais c’est comme ça aujourd’hui. Le lucre asservit l’art. Il est donc normal de sanctionner pénalement celui qui prive ce “cercle vertueux” de son efficience.

Signé, un pirate schizophrène.

Show less
Reply
Sophie BENOIT  
Le raisonnement de Axel Gosseries tient en trois étapes. La dernière d'entre elles consiste à dire que, pour les biens de consommation non-rivaux, le piratage n'est pas toujours considéré comme du vol. En effet, il y a deux catégories de personnes que l'on doit distinguer et traiter différemment: 1) les consommateurs pauvres, qui s'ils n'avaient pas obtenu le bien par piratage,…
Read more

Le raisonnement de Axel Gosseries tient en trois étapes. La dernière d’entre elles consiste à dire que, pour les biens de consommation non-rivaux, le piratage n’est pas toujours considéré comme du vol. En effet, il y a deux catégories de personnes que l’on doit distinguer et traiter différemment:
1) les consommateurs pauvres, qui s’ils n’avaient pas obtenu le bien par piratage, ne l’auraient de toute façon pas acheté.
2) les consommateurs disposant des moyens de s’offrir ce bien.

Pour monsieur Gosseries, la première catégorie de consommateurs citée représente des individus qui se battent pour survivre; dans ce cas, le piratage ne sera pas considéré comme un vol.
La deuxième catégorie, elle, rassemble les consommateurs qui doivent être considérés comme des voleurs, et ce en raison de leur situation économique assez aisée pour leur permettre d’être des acheteurs potentiels.

Je comprends ce raisonnement qui consiste à tenir compte des différents revenus des gens, mais j’estime que cet argument basé sur un critère économique tend à juger certaines personnes d’un point de vue moral et soulève donc quelques difficultés pratiques.
Du point de vue moral de chacun, on pourrait considérer que même les pauvres – qui ne seraient pas susceptibles de consommer le bien s’ils n’avaient pas la possibilité d’entraver un droit d’auteur- seraient coupables de « vol », car les gens pensent différemment et si, comme le dit Axel Gosseries, ceux-ci gagnent 2 dollars par jour et savent à peine survivre, en quoi télécharger de la musique illégalement leur serait nécessaire ?

A cette première question on pourrait me répondre que cet exemple est extrême, que toutes les personnes moins aisées ne sont pas à ce stade de survie. Une autre question me vient donc en tête : la notion de personne pauvre peut être très variable, alors qui considérer comme suffisamment pauvre pour pouvoir bénéficier de téléchargements gratuits ? il est bon de tenir compte de leur revenus, mais qu’en est-il des étudiants qui téléchargent certains fichiers ? Doit-on les juger par rapport à l’argent de poche qu’ils reçoivent, à leur situation financière familiale, etc. ? D’un point de vue pratique, il est compliqué d’établir une liste exhaustive de ce type de consommateurs. Une dernière question : comment autoriser l’accès gratuit uniquement à ces personnes et le refuser aux personnes plus riches ?

Comme cité dans l’article ci-dessus, un juriste ne considérera pas que l’atteinte au droit d’auteur est un vol, car il n’y a pas de soustraction d’objet. Néanmoins, il existe certains mécanismes pour qu’un auteur puisse défendre ses droits, avec par exemple les dispositions pénales situées aux articles 80 à 87bis de la LDA du 30 juin 1994. Sans m’y connaître plus, ces dispositions punissent l’entrave à un droit d’auteur, je me demande donc si le fait que l’on parle de vol ou d’atteinte au droit d’auteur n’est simplement pas le fruit d’une terminologie différente ? Dans le sens juridique, le vol est une soustraction d’un bien, tandis que beaucoup de gens estiment que le vol consiste à prendre quelque chose qui ne nous appartient pas, à avoir quelque chose gratuitement alors qu’on ne le devrait pas (puisqu’on ne nous donne pas).

Show less
Reply
Alain Strowel

Merci pour ces quelques réflexions dont certaines sont pleines de bon sens et montrent à tout le moins la difficulté pratique de tenir compte de la capacité à payer comme critère pour l’atteinte à un droit intellectuel.

Marie LAHAYE  
En ce qui me concerne, je peux comprendre qu'en termes juridiques, le piratage n'est pas réellement du vol. Cependant, le vol concerne des choses matérielles, et l'infraction a été érigée en fonction de cela. Pour ma part, c'est prendre qch qui ne nous appartient pas qui est du vol et non le fait d'empêcher cette personne d'en jouir. Assister à…
Read more

En ce qui me concerne, je peux comprendre qu’en termes juridiques, le piratage n’est pas réellement du vol. Cependant, le vol concerne des choses matérielles, et l’infraction a été érigée en fonction de cela. Pour ma part, c’est prendre qch qui ne nous appartient pas qui est du vol et non le fait d’empêcher cette personne d’en jouir. Assister à un concert alors qu’on n’a pas acheté de ticket ou avoir la télé sans payer d’abonnement, n’empêche pas les autres d’en profiter et pourtant cela n’est pas légal. Il faudrait reconsidérer le vol en fonction de choses immatérielles.
Je pense que serait peut-être une idée de voir la propriété intellectuelle plutôt comme un service rendu qui mérite une rémunération.
Sinon, j’ai été interpellée par le la troisième étape du raisonnement d’Axel Gosseries. Considérer l’infraction uniquement selon la situation de l’auteur serait totalement contre la conception classique d’une infraction en matière pénale.
Pour résumer, je pense qu’il faut considérer la propriété intellectuelle comme un nouveau concept avec sa propre réglementation et ses principes généraux. Il faut arrêter de la considérer comme une propriété immatérielle et d’essayer d’y appliquer les principes existants.

Show less
Reply
Julian Clarenne  
La réflexion d’Axel Gosseries mérite d’être critiquée sur plusieurs points. Il est justement rappelé que le vol nécessite une soustraction frauduleuse d’un bien. Le piratage peut être considéré comme une fraude, mais sans aucune espèce de soustraction. Le bien protégé par le droit d’auteur est immatériel et non-rival, ce qui implique une impossibilité totale d’en être le possesseur exclusif. Ainsi,…
Read more

La réflexion d’Axel Gosseries mérite d’être critiquée sur plusieurs points.
Il est justement rappelé que le vol nécessite une soustraction frauduleuse d’un bien. Le piratage peut être considéré comme une fraude, mais sans aucune espèce de soustraction. Le bien protégé par le droit d’auteur est immatériel et non-rival, ce qui implique une impossibilité totale d’en être le possesseur exclusif. Ainsi, au regard de la définition juridique du terme « vol », on doit réfuter la thèse comme quoi « copier, c’est voler ».
Bien entendu, le vol peut être entendu en son sens moral et renvoyer à la dimension de privation pour son propriétaire. S’il n’est pas privé de la jouissance de son bien, l’auteur d’une création musicale (par exemple) est privé d’une potentielle somme d’argent à cause de la fraude. Il serait donc volé, en ce sens qu’il est privé d’un revenu qu’il aurait peut-être pu obtenir… Mais comment déterminer que le fraudeur aurait acheté le bien s’il n’avait pas pu le pirater ? Il s’agirait donc, même sur base d’une définition morale, d’un vol potentiel.
Quant à la pertinence de distinguer ceux qui auraient eu les moyens d’acheter la musique sans fraude et les autres, il y a lieu de rappeler un principe général. Le principe d’égalité veut que l’on traite de manière différente des personnes se trouvant dans des situations différentes. Cependant, il faut rappeler que la différenciation doit reposer sur une justification objective et raisonnable Or il me semble inadéquat de prendre le revenu comme seul critère. Il doit en effet être relié à la volonté d’achat, qui n’est pas un critère objectif.
Par ailleurs, n’est-il pas révoltant de considérer que le revenu de la personne peut être une cause de justification à la commission d’une infraction ? Cela ne ferait que de renforcer les clivages sociaux et économiques. Il y a donc un danger masqué dans l’argument de Gosseries, qui est d’en arriver à une qualification pénale à géométrie variable en fonction de situations économiques.
Enfin, il faut relever que cette distinction de qualification de la fraude entre « riches » et « pauvres » ne prend pas en compte le fait que le fraudeur pourra redistribuer le bien. Ainsi, il est impossible de calculer la perte indirecte qui a été subie.

Show less
Reply
Alain Strowel

Vos arguments, notamment sur la difficulté de tenir la capacité à payer comme cause de justification d’une atteinte, sont pertinents, merci.

Hadrien Dasnoy
Axel Gosseries nous met devant une réflexion qui apporte autant des points positif que négatif. Tout d'abord le positif: Il élargit la définition de base du vol à une conception - certes préjuridique, mais n'existe-t'il pas une doctrine de lege ferenda?- plus complète, que je résumerais ainsi: voler, c'est priver quelqu'un d'une chose dont il dispose déja ou dont il devrait…
Read more

Axel Gosseries nous met devant une réflexion qui apporte autant des points positif que négatif.

Tout d’abord le positif: Il élargit la définition de base du vol à une conception – certes préjuridique, mais n’existe-t’il pas une doctrine de lege ferenda?- plus complète, que je résumerais ainsi: voler, c’est priver quelqu’un d’une chose dont il dispose déja ou dont il devrait disposer en conséquence d’une transaction, cette chose pouvant être un revenu. Sur ce point, et afin de clarifier le vide juridique concernant les téléchargements illicites de fichiers, ne serait-il pas opportun de codifier cette définition dans quelque loi sur le droit d’auteur, afin de pouvoir: faire prendre conscience que le vol n’est pas que matériel et de pouvoir poursuivre concrètement ces atteintes mineures mais quotidiennes au droit d’auteur?

Ensuite le négatif: Pour compléter son raisonnement, et afin de coller au titre, Axel Gosseries, qui vient tout de même d’étendre la notion de vol, la rétrécit aussitôt sur base d’un critère social: ne vole pas celui qui n’aurait de toute façon pas eu les moyens d’acheter.
Il justifie cela sur un critère économique qu’en l’absence de connaissance approfondie en la matière, je ne critiquerai pas.

Ma critique ne porte pas ici sur le critère d’appréciation mais bien sur le principe: selon moi, celui-ci n’est pas raisonnable, et ce sur 2 plans: juridique et économique

Sur le plan juridique, Gosseries insère un critère qui définirait finalement qui doit payer pour profiter d’un bien sous droit d’auteur, et qui ne devrait pas. C’est tout bonnement créer une discrimination qui à mon sens n’est pas justifiable: quel argument peut justifier qu’on doive payer son accès à la culture parce que l’on gagne mieux sa vie qu’un autre? C’est une forme d’impôt déguisé. Je ne pense d’ailleurs pas me tromper en faisant le parallèle avec les impôts: il serait inconstitutionnel de prévoir des impôts trop élevés pour les plus riches, et quasi inexistants pour les moins riches. Le Conseil constitutionnel français n’a-t-il pas considéré l’impôt sur le fortune voulu par François Hollande comme inconstitutionnel car inégal?

Sur le plan économique, cette logique ne se justifie pas ( ce qui est d’autant plus étonnant pour quelqu’un qui se base su des critères économiques pour le reste de son raisonnement). En effet, laisser certaines personnes accéder gratuitement à certains biens et d’autres pas nous mène à une question d’arbitrage: plutôt que de payer, les plus riches s’arrangeront pour avoir des contacts rentrants dans cette catégorie de gens ayant accès aux biens sous droit d’auteur gratuitement pour qu’ils leur retirent, copient et transfèrent ces fichiers, ou si les biens en questions sont matériels, ils les retireront en plusieurs exemplaires pour leurs amis plus fortunés, ceci dans le plus grand respect des ces beaux principes. Dans ces conditions, c’est le système entier de droit d’auteur, et tout le pan de l’économie qui se trouve derrière, qui s’effondre.

Il est louable de vouloir procurer au plus démunis aussi l’accès à ces biens particuliers que sont les biens sous protection de droit d’auteur. Mais il ne faut pas pour autant mettre hors-jeu des principes qui permettent à une société de fonctionner. Le problème n’est pas que ces biens soient payants, voire même onéreux, mais bien que les plus démunis ne sachent pas se les payer. Plutôt que de rendre gratuits ces biens, pourquoi pas une allocation minimale à la culture, voire une base de données musicale/littéraire/cinématographique/..; d’accès gratuit sur base d’un statut de membre obtenu si l’on rentre dans des catégories de revenus faibles? Remarquons que cette idée est déja mise en pratique au travers des médiathèques, à ceci près qu’elles ne discriminent même pas en fonction de la taille du portefeuille…

Show less
Reply
Aliénor Quairiat
Je ne vais pas rentrer dans les détails les plus complexes concernant le piratage mais plutôt rester dans une opinion plus intuitive et simple. Aujourd'hui, le piratage est une notion en pleine expansion chez nous et pose dès lors beaucoup de questions, notamment dû par l'évolution effrayante des technologies aujourd'hui. Pour ma part, la question fondamentale est de savoir à…
Read more

Je ne vais pas rentrer dans les détails les plus complexes concernant le piratage mais plutôt rester dans une opinion plus intuitive et simple.
Aujourd’hui, le piratage est une notion en pleine expansion chez nous et pose dès lors beaucoup de questions, notamment dû par l’évolution effrayante des technologies aujourd’hui.
Pour ma part, la question fondamentale est de savoir à partir de quel moment peut-on qualifier une situation de “piratage”? Le présent article répond en partie à la question en faisant la distinction entre le contrefacteur qui n’a pas un sous en poche et les autres qui ont les moyens. Cependant, peu importe le nombre de distinctions que l’on fera pour essayer de déterminer qui est pirate ou non, l’accès aux technologies est devenu tellement facile et simple que tout le monde finit par télécharger l’une ou l’autre chose, qui est pourtant protégée par des droits d’auteurs. Alors s’il fallait à chaque fois parler de vol, finalement, tout le monde serait des voleurs ! Or, je vois mal la justice poursuivre l’intégralité de la planète.
On se retrouve dès lors à la case de départ. En fin de compte, ceux qui ont les droits d’auteur ainsi que les producteurs ne pourront jamais avoir une maîtrise totale sur leurs biens, surtout lorsque ceux-ci sont immatériels ou mis à la disposition des technologies. Il y aura toujours des personnes pour en profiter sans leur consentement et sans pour autant “voler” leur bien originel.

Show less
Reply
Kakani Lionel
Pour moi le piratage reste du vol! Je ne peux rien dire face à l'argument de non rivalité du bien. Mais l'argument qui est que de toute façon la transaction n'aurait pas lieu à ce prix pour des personnes à faible revenu, n'est pas tenable selon moi! L'artiste possède un monopole grâce à son droit de propriété intellectuel, donc il…
Read more

Pour moi le piratage reste du vol! Je ne peux rien dire face à l’argument de non rivalité du bien. Mais l’argument qui est que de toute façon la transaction n’aurait pas lieu à ce prix pour des personnes à faible revenu, n’est pas tenable selon moi! L’artiste possède un monopole grâce à son droit de propriété intellectuel, donc il maximise son profit à ce prix là, donc il sait qu’il exclus des gens du marché et que il limite les quantités. Donc au prix de la chanson il tient compte que cette transaction n’aurait pas lieu, mais n’a pas interet à diminué son prix, car cela diminuerais son profit. Alors non, le fait que l’on ne consommera pas a ce prix n’est pas une bonne justification. Sinon tout étudiants ne pouvant pas payer une place de cinéma, pourraient allez au cinéma (si il n’y a pas de congestion) en fraudant la conscience tranquille. Un vol reste un vol, donc si un bien a un prix on se doit de le payer, pas se dire c’est trop chere je peux pas me le permettre je vais le télécharger, sauf si on accepte le fait d’être considéré comme un pirate…

Show less
Reply
Xavier Wauthy
La récente chronique publiée par Axel Gosseries propose une analyse du problème du piratage revisité à l'aune de la capacité à payer des pirates. L'argument peut se résumer comme suit: lorsque la consommation d'un bien est non-rivale (ce qui est le cas des biens protégés par le droit de propriété intellectuelle) la consommation d'une unité additionnelle ne coûte strictement…
Read more

La récente chronique publiée par Axel Gosseries propose une analyse du problème du piratage revisité à l’aune de la capacité à payer des pirates. L’argument peut se résumer comme suit: lorsque la consommation d’un bien est non-rivale (ce qui est le cas des biens protégés par le droit de propriété intellectuelle) la consommation d’une unité additionnelle ne coûte strictement rien à personne. Le seul coût qui découlerait du piratage du bien considéré tient alors au manque à gagner du titulaire de droit qui se voit déposséder du fruit espéré de la vente. Il en découle qu’il n’y a manque à gagner que lorsque le pirate était au départ un acheteur potentiel. En conséquence, si l’auteur de l’acte de piratage est sans ressource, c’est-à-dire caractérisé par une capacité à payer nulle, sa consommation gratuite du bien ne génère aucun manque à gagner et ne peut donc être qualifiée de “vol”.

L’argument est astucieux! Et il soulève une question très importante, en particulier à travers l’analogie ( étrangement ?) suggérée par l’auteur entre piratage de biens culturels et mise à disposition accélérée de vaccins dans les pays pauvres, en contrefaçon de brevets: peut-on justifier un exercice différencié du droit de propriété intellectuelle sur base des capacités de paiement des contrefacteurs?

Notons tout d’abord que le caractère non-rival de la consommation du bien est effectivement central dans l’analyse. Parce qu’elle est non-rivale, la consommation ne génère aucun coût marginal. C’est d’ailleurs pourquoi sur base d’un critère d’efficacité, l’économiste recommande dans l’absolu une diffusion maximale du bien en question: pour assurer l’efficacité dans l’allocation des ressources le bien devrait être distribué gratuitement à tous, riches et pauvres! Le problème se résume alors à savoir comment on finance la production du bien “prototype”, qui elle engage un coût! Le droit de la propriété intellectuelle propose une solution: le monopole temporaire sur la diffusion. Au prix d’une forme d’inefficacité qui résulte précisément du mécanisme d’exclusion propre au fonctionnement d’un marché. Protégée par le droit d’auteur, une oeuvre devient excluable, c’est-à-dire que je peux conditionner (légalement) l’accès à la consommation au paiement d’un prix. En toute hypothèse, la consommation de chacun crée une valeur, indépendante du paiement d’un quelconque prix. Une fois le prix fixé, celui-ci détermine d’une part un partage de valeur entre ceux qui achètent et celui qui a produit et d’autre part exclut certains consommateurs potentiels et à ce titre réduit la valeur totale créée ex post.

Ce que propose en fait Axel Gosseries, c’est une atténuation du droit de propriété intellectuelle consistant à restreindre le champ d’excluabilité aux seuls consommateurs solvables. Puisque la mesure consisterait en somme à permettre à ceux qui ne sont de toute façon pas capables d’acheter au prix fixé par le titulaire du droit de consommer malgré tout, elle ne génèrerait aucun dommage pour personne: ni coût de production additionnel, ni manque à gagner pour le titulaire.

L’idée est séduisante mais elle soulève de nombreux problèmes. Je me limiterai à développer le plus économique d’entre eux. A supposer qu’il soit simple de fixer le seuil de pauvreté en dessous duquel on aurait accès gratuitement au bien, et de faire respecter ce seuil, encore faudrait-il que la consommation gratuite par les pauvres d’un bien non-rival ne génère effectivement aucun manque à gagner pour le titulaire du droit. Si c’était le cas, on ne voit en fait pas pourquoi ce dernier serait opposé à la consommation gratuite en question. On ne voit pas pourquoi il engagerait des poursuites coûteuses à l’encontre d’un individu de toute façon non solvable…Sur le plan économique, la proposition revient en fait à consacrer dans la loi une forme de discrimination dans les prix: un prix élevé pour les riches et un prix faible (nul dans le cas d’espèce) pour les pauvres. Aucun monopoleur ne s’opposera en principe à ce type de proposition. C’est exactement ce qu’il proposerait sous une forme encore plus raffinée en proposant une gamme de prix répliquant les capacités de paiement de chaque acheteur potentiel sur le marché. En effet, le fantasme du monopoleur consiste à être capable de faire payer à chacun selon ses moyens, au plus près de sa capacité effective de paiement. Plus vous êtes riche, plus vous payez ; si vous êtes pauvre, il est tout disposé à vous proposer le bien au coût marginal. A condition bien sûr, et c’est là qu’est le problème, qu’il puisse contrôler strictement les comportements d’arbitrage.

Ces comportements d’arbitrage constituent la principale limite à la capacité de discrimination du monopoleur, en matière de création intellectuelle comme ailleurs. Mais les créations intellectuelles ont ceci de particulier qu’elles sont des biens à consommation non-rivale. Ce qui signifie aussi que l’arbitrage, sous forme de rediffusion à des tiers, est particulièrement aisé, puisqu’il ne présente aucun coût pour celui qui redistribue… Peut-on être certain que la distribution gratuite ne s’accompagnera pas d’une rediffusion, gratuite ou payante, vers des segments de marché solvables? On comprend dès lors mieux le risque que constitue la mise à disposition gratuite du bien à destination des individues dépourvus de capacité de paiement: comment va-t-on empêcher la redistribution du bien obtenu gratuitement? C’est d’ailleurs pour cette raison que très peu de contrefacteurs non-solvables sont poursuivis pour avoir downloadés des contenus mais bien pour les avoirs uploadés. Pour reprendre l’analogie des vaccins, la question n’est pas tant de savoir s’il faut permettre la production de génériques à destination des pays pauvres que celles de savoir comment contrôler la ré-exportation de ces génériques vers les marchés solvables. Qui elle, en s’en tenant à l’argument du jour, causerait un manque à gagner certain, et mettrait fondamentalement à mal la logique sous-jacente au mécanisme des brevets.

En fin de compte, le “vol” tient plus à la diffusion hors du contrôle de l’ayant droit, à des fins lucratives ou non, qu’à la consommation gratuite du bien. Sous cet angle, il n’y a en fait aucune raison de considérer qu’une exception à l’exercice du droit de propriété intellectuelle puisse se justifier sur base de la capacité de paiement de l’utilisateur.

Show less
Reply
KOCHE C.
Axel Gosseries répond en trois temps à la question de savoir si pirater, c’est voler et c’est en fait, la troisième étape de son raisonnement qui m’interpelle le plus. A ce stade, il estime qu’un consommateur sans pouvoir d’achat (ou avec un très faible pouvoir d'achat) qui violerait la propriété intellectuelle ne pourrait pas être considéré comme un voleur. Son…
Read more

Axel Gosseries répond en trois temps à la question de savoir si pirater, c’est voler et c’est en fait, la troisième étape de son raisonnement qui m’interpelle le plus.

A ce stade, il estime qu’un consommateur sans pouvoir d’achat (ou avec un très faible pouvoir d’achat) qui violerait la propriété intellectuelle ne pourrait pas être considéré comme un voleur. Son argument s’articule autour de la notion de valeur d’échange qui elle dépend notamment de ce que chaque consommateur est en mesure de donner, ce qui implique qu’elle est nulle dans l’hypothèse où le contrefacteur, ayant à peine de quoi survivre, est incapable de payer.
Il ne serait donc pas un voleur car il ne prive le producteur de rien (valeur d’échange nulle) et encore moins les autres consommateurs (caractère non rival du bien).

Mais ne pourrions-nous pas, en prolongeant le raisonnement, élargir la catégorie de consommateurs bénéficiant de cette décharge? En effet, qu’en est-il des contrefacteurs ayant un pouvoir d’achat mais qui sans le piratage ou atteintes au droit d’auteur ne consommeraient pas ? En d’autres termes, comment envisager les individus qui, sans le piratage, ne consentiraient pas à payer pour consommer le bien « piraté » préférant encore renoncer à leur consommation ? Dans ce cas, la valeur d’échange serait donc aussi nulle et sans ces atteintes au droit d’auteur, il n’y aurait d’ailleurs même pas d’échanges entre le producteur (et le vendeur) et ce genre de consommateurs, ce qui, en s’éloignant un peu plus des considérations juridiques, serait peut-être encore moins profitable et ce pour les deux parties…

Personnellement, j’ai cru qu’Axel Gosseries introduisait une échelle des revenus dans son raisonnement pour mettre en évidence son incidence sur la valeur d’échange qui, lorsqu’elle est nulle ne prive le producteur de rien et qui, en considérant que violer le droit d’auteur, c’est voler les auteurs, intervient sur la qualification de l’acte. Dans son article, la notion de valeur d’échange m’a donc plus marquée (à tort peut-être) que celle d’échelle des revenus… D’ailleurs, selon moi, le défaut de pouvoir d’achat n’est pas le seul scénario qui implique une valeur d’échange nulle et qui, par ce fait et par la non rivalité du bien, permette d’échapper à la qualification de l’acte de vol.

Show less
Reply
HAIDAR
L'article ouvre le débat sur une pratique très fréquente de nos jours (Le piratage). Le raisonnement de l'auteur me semble logique. Cela ne veut pas dire que je suis pour le piratage ni contre. L'auteur a bien mis en évidence qu'il faut faire la distinction entre le consommateur qui a les moyens d'acheter le bien (en ce cas, il y aurait…
Read more

L’article ouvre le débat sur une pratique très fréquente de nos jours (Le piratage).
Le raisonnement de l’auteur me semble logique. Cela ne veut pas dire que je suis pour le piratage ni contre.
L’auteur a bien mis en évidence qu’il faut faire la distinction entre le consommateur qui a les moyens d’acheter le bien (en ce cas, il y aurait piratage) et celui qui ne les possède pas.
Mais plusieurs questions peuvent se poser:
– “Quelles sont les méthodes et les moyens qui nous permettent d’identifier le consommateur pauvre parmi les autres qui ne sont pas pauvres?
– Est ce que ce point de vue garantit que le producteur va atteindre ses objectifs? (Car son premier but est avant tout lucratif) …

Il faut creuser ce point et savoir s’il existe un compromis possible entre les points de vue du producteur et du consommateur. Comment éviter les effets secondaires liés à cette approche tenant compte des revenus?

A suivre donc….

Show less
Reply

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

You may use simple HTML tags to add links or lists to your comment:
<a href="url">link</a> <ul><li>list item 1</li><li>list item2</li></ul> <em>italic</em> <strong>bold</strong>