12 March 2012

Hadopi vs Licence légale, comment protéger les droits d’auteurs?

491 000 rappels à l’ordre aux internautes entre le 1er janvier 2010 et le 30 juin 2010. Ce sont les résultats que l’on pouvait lire dans le premier rapport produit par l’Hadopi. la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, est l’organisme créé en vue de la mise en œuvre de la politique de riposte graduée contre les téléchargements illégaux initiée par le législateur Français à travers la loi du 12 juin 2009 complétée par la loi du 28 octobre 2009.

Les chiffres publiés par cet organisme constituent une première évaluation d’une nouvelle politique en matière de contrôle des téléchargements illégaux et plus largement en matière de protection des droits d’auteurs. Le caractère exclusif des œuvres protégées par les droits d’auteur s’estompe indubitablement suite à l’évolution numérique. Le téléchargement sur internet, le Peer to Peer et le streaming sont autant d’entraves aux droits intellectuels. Les anciennes législations ne permettent plus de contrôler de manière effective ces droits (Incertitude juridique quant à la qualification ou non de copie privée pour une œuvre échangée entre internautes). De même, le contrôle de ces droits à l’aide de mesures techniques de protection semble limité par l’évolution des connaissances et l’habilité de certains acteurs doués en informatique. Il est donc opportun de s’interroger sur l’attitude à adopter face à la situation actuelle.

Deux postulats peuvent être émis :

  1. Le premier postulat se base sur l’idée que l’exclusivité des œuvres mise en place à travers les droits d’auteurs d’auteur peut être maintenue à l’aide de la législation ou à l’aide de mesures techniques de protection (cette dernière hypothèse nous semble particulièrement pour les raisons développées ci-dessus).
  2. Le second postulat se borne à constater l’impossibilité de rendre leur exclusivité complète aux œuvres protégée et partant, tend à trouver une solution pour palier à ce manque d’exclusivité pour inciter à la création.

C’est le premier postulat qui a été adopté par la France dans sa politique de protection des droits d’auteurs. En l’espèce, la loi Hadopi permet entre autre d’instaurer une surveillance des flux de téléchargements, de permettre l’identification des adresses ip responsables de ces téléchargements et de prévenir les titulaires de ces adresses. Suite aux modifications législatives citées supra, les internautes sont tous tenus de faire sécuriser leurs réseaux sous peine de commettre une contravention de négligence caractérisée. « La contravention de négligence caractérisée réprime une faute d’omission, le manquement à l’obligation de sécuriser un accès à Internet, lorsque celle-ci a entraîné un résultat précis, l’utilisation de cet accès à des fins de contrefaçon ». Lorsque des infractions au régime des droits d’auteurs sont constatées par l’Hadopi, un courrier d’avertissement est envoyé au consommateur l’enjoignant à sécuriser sa connexion. Si une nouvelle infraction était constatée, le consommateur reçoit un second courrier pouvant donner suite à une convocation devant l’Hadopi qui décidera s’il y’a lieux de transmettre les dossiers au parquet. Depuis la création de cette nouvelle administration, seulement 60 dossiers sont en cours d’étude par l’Hadopi, sans certitude de transfert vers le parquet. La loi Hadopi a pour principal objectif de rappeler aux utilisateurs des réseaux web que leur comportement peut être surveillé et qu’il est passible de poursuite.

Alors que la Belgique ne dispose pas encore de régime de protection des droits d’auteurs adaptés à l’évolution des technologies, il nous semble pertinent de s’interroger sur la nature des mesures nécessaires. Il existe en effet des alternatives au régime Français qui pourraient aboutir à des résultats radicalement différents.

Le deuxième postulat, se basant sur la non exclusivité fondamentale des œuvres, nous amène à la solution des licences légales. C’est une solution qui, à notre avis, permet d’ouvrir de nouvelles portes vers une répartition différente du produit des œuvres protégées, ainsi que vers la suppression du téléchargement illégal au travers de sa légalisation. La licence est en effet une exception aux droits de la propriété actuelle qui prévoit la possibilité pour une personne d’utiliser un savoir (en l’espèce une œuvre) d’une certaine manière moyennant rétribution du titulaire du droit. Ainsi une taxe forfaire pourrait viser les abonnements internet et évoluer en fonction du type d’abonnement souscrit. Les recettes seraient alors redistribuées aux auteurs et autres titulaires de droits d’auteurs et de droits dérivés au travers d’un organisme de gestion comme il en existe déjà.

Il s’agit maintenant de faire un choix entre ces deux postulats. La solution de l’Hadopi est en cours d’expérimentation et nous donne ses premiers résultats. A l’inverse, la licence globale n’a pas encore fait l’objet d’une mise en œuvre concrète et ses déclinaisons sont nombreuses. Il serait intéressant de pouvoir observer une telle mise en œuvre. Mais, quels seraient les coûts d’une telle proposition ? La répartition des recettes de la licence couvrira-t-elle les besoins des auteurs ? Comment sera-t-elle faite ? Y’a-t-il des risques en termes d’incitations à la création, ou au contraire sera-t-elle bien accueillie par le milieu artistique ?

Post rédigé par Christophe Cornet d’Elzius (étudiant en master en droit UCL)

 

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