5 December 2010

Un livre devenu libre par emprunt? Le suites du plagiat de M. Houellebecq, prix Goncourt pour “La carte et le territoire”

L’affaire du plagiat de M. Houellebecq, le prix Goncourt 2010, connaît des rebondissements inattendus. En septembre dernier, un journaliste révélait que certains passages de “La carte et le territoire”, le dernier roman de M. Houellebecq, plagient trois articles de Wikipedia (sur la mouche domestique, le politicien Frédéric Nihous et la ville de Beauvais). Ce n’est pas la première fois qu’un écrivain en vue est accusé de plagiat. Cette publicité gratuite autour d’un prix littéraire n’est pas nécessairement sollicitée, elle est en tout cas rarement suivie de procès. Quelle est l’explication de l’écrivain? Dans une vidéo de Joseph Vebret disponible sur le site du Nouvel Obs.com (BibliObs), Michel Houellebecq compare son travail littéraire à du tissage: certains fils sont tirés de matériaux préalables et s’entrelacent avec le travail original de l’écrivain. N’est-ce pas le propre de toute oeuvre? M. Houellebecq le pense.

La nouveauté du plagiat Goncourt 2010 est que les emprunts reprochés sont tirés d’oeuvres qui sont rendues accessibles en ligne sous une licence libre (la licence Creative Commons ou CC en version “Paternité-Partage à l’identique” ou BY-SA pour les initiés). Lorsque l’on reprend un tel contenu protégé, il faut donc indiquer qui est l’auteur et ne pas en faire un usage commercial. M. Houellebecq n’a apparemment pas respecté ces deux conditions et pourrait être condamné en conséquence. Le blogueur Florent Gallaire en a tiré d’autres conséquences (voir l’analyse juridique disponible ici). Selon ce dernier, le livre est lui-même devenu libre: ce serait l’effet viral de l’inclusion du contenu sous licence CC. En d’autres termes, l’utilisateur de ce contenu a seulement le droit de distribuer la nouvelle création sous une licence identique. Florent Gallaire a été jusqu’au bout de son raisonnement: il a décidé de mettre l’intégralité de “La carte et le territoire” en ligne sous la forme d’une copie électronique téléchargeable. L’éditeur n’a pas apprécié et la copie a depuis été retirée (puis transférée sur un autre site où elle est encore téléchargeable; voir l’article publié dans La Libre Belgique, 2 déc. 2010).

Cette affaire autour de “La carte et le territoire” pose une série de questions juridiques intéressantes:

– Qu’est-ce qui distingue le plagiat et la contrefaçon?
– Quand peut-on parler de contrefaçon (partielle) d’une oeuvre?
– A quelles conditions les clauses de la licence Creative Commons (à laquelle il est fait référence dans Wikipedia) sont-elles opposables?
– La licence Creative Commons BY-SA impose-elle que l’ensemble de l’oeuvre seconde soit mis à la disposition du public selon les mêmes termes? Quand le régime applicable à un élément se transmet-il à l’oeuvre entière dans laquelle cet élément est intégré?

Mais, pour l’instant, on demandera simplement aux étudiants de valider ou non l’analyse par Florent Gallaire des effets du plagiat des articles sous licence Creative Commons version BY-SA. Ils peuvent utilement consulter une décision du Tribunal de première instance de Nivelles datant du 26 octobre 2010 (Creative_Commons_Nivelles.26.10.2010) à propos de la réutilisation par l’ASBL organisant le Festival de Spa d’une composition du groupe de musique Lichödmapwa dans un spot publicitaire. Vos réponses sont attendues!

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